Chapitre 29 - Catastrophe

Notes de l’auteur : Bonjour à tous qui suivaient les aventures de Till. J'ai retravaillé et restructuré le texte dans son ensemble. Je ne voulais pas vous assommer par une relecture générale mais je vous livre la fin retravaillée. Merci pour votre constance et vos précieux retours qui m'ont beaucoup aidée.

Till vacilla avant se rétablir, plié en deux par la violence du choc. Dents serrées il tâta son flanc d’une main tremblante, un point martelait au niveau des côtes, un liquide chaud imbibait sa chemise, mais il était toujours debout. La blessure ne pouvait être si grave, l’autre désirait simplement le tourmenter, provoquer une réaction impulsive de ses amis. Les croyait-il si stupides ? Ignorant la souffrance, il redressa le dos. Il ne céderait pas à la tentation facile d’une riposte, ne décevrait pas l’île et les siens. Jamais il n’offrirait à cet homme cette satisfaction. D’instinct son regard chercha celui de sa mère… La rassurer… Mais, échappant à la vigilance des sylphes, déjà elle se précipitait, franchissant les barrières de protection un instant relâchées. « Nooon !!! » hurla-t-il. Mais il était trop tard, un garde ouvrit le feu. Elhyane s’écroula, fauchée en plein élan. L’homme n’eut cependant pas le temps de savourer sa victoire, un jet de flamme le carbonisa sur place.

Le garçon voulut s’élancer mais ses jambes, clouées au sol par une force invisible, n’obéirent pas. Une nouvelle tentative désespérée échoua, son corps refusait tout retour en arrière. « Par tous les esprits, mais qu’est-ce que ça veut dire ! ». Démuni, impuissant, il fixait le corps de sa mère étendu à quelques pas : « bouge, je t’en prie, bouge ! » supplia-t-il. Aucune réaction. C’était un cauchemar, il allait se réveiller : « tout ça n’est pas réel… tout ça n’est pas réel », se répétait-il en boucle. Sa mémoire lui renvoya en écho la voix si chère : « Je serai toujours auprès de toi… toujours… aie confiance ! ». C’était bien la voix de Ma. Là, dans sa tête… mais Ma ne pouvait lui parler, c’était impossible… Ma était… il se refusa à prononcer le mot. Le dire aurait confirmé une réalité inconcevable. Un sanglot désespéré déchira sa gorge : « Non ! Tout ça n’est pas réel… tout ça ne peut pas être réel ! ». Il chercha les yeux d’Harald. Lui, saurait le rassurer, mais la douleur qu’il y lut l’accabla davantage. Alors, le regard aussi noir que le ciel d’orage, Till se retourna d’un bloc pour défier l’étranger, cette créature immonde et répugnante venue du continent.

Donovan exultait. Tout se passait exactement comme il l’avait prévu. Il allait leur montrer qui était le maître ! Plus question de négociations, de palabres interminables. Ils obéiraient ou mouraient ! Tous s’il le fallait ! Il se tourna vers son armée, un poing levé en signe de victoire. Quelques clameurs retentirent, pas autant que le technovateur l’espérait. Il allait devoir également remettre les troupes sur le droit chemin. Ses yeux considérèrent le garçon. « Plus costaud qu’il n’y paraît... Le blesser aurait dû le calmer. Bon, visiblement il n’a pas tout compris. Les autres non plus d’ailleurs. Après tout ce gosse n’est peut-être pas aussi important qu’il y paraît. Combien de sacrifices ces gens seraient-ils prêts à consentir avant de s’avouer vaincus ? Intéressante question... »

Sven s’était lentement redressé dissimulant au creux de son poing un de ces galets plats parsemant le plateau des Ombelles. Il s’en voulait encore de s’être bêtement laissé surprendre par une patrouille, mais finalement n’était-il pas à la meilleure place pour intervenir ? Personne ne s’intéressait à lui, toute l’attention focalisée sur le garçon. Il ne pouvait deviner l’expression de son visage mais la raideur anormale de la nuque, la crispation inquiétante du corps, résonnaient en écho avec la violence de sentiments éprouvés. En ce moment précis, Sven savait exactement ce que Till ressentait. S’il pouvait tenter quelque chose, ce serait maintenant. Il était adroit et le savait, sa main ne tremblerait pas. Il fit un pas de côté, discret, puis un autre, replaçant le technovateur dans son champ de vision. Il devrait agir vite, au bon moment, après il serait trop tard.

Malgré toute sa rage bouillonnante et son ressentiment, Till ne parvenait pas à attaquer. Passer à l’acte demande une part de renoncement, d’inconscience ou de folie. Il n’avait rien de tout cela. Ma ne l’avait pas élevé ainsi. Au creux de sa main, la canne palpitait, chaude, vibrante. Il en perçut la force redoutable. Elle ne le trahirait pas, mais lui attendrait que l’autre engage le combat. Ce combat dont il ne voulait pas et qu’il payait déjà si cruellement.

Donovan ruminait toujours, un œil fixé sur le garçon. Il estimait avoir l’avantage dans la mesure où ce peuple refusait le combat. Mais la situation ne pouvait demeurer en l’état et lui ne comptait pas partir. Il devait les contraindre une nouvelle fois à l’action, et pour cela une seule solution s’imposait.

À l’instant même où le technovateur éleva le bras en direction de Till, le galet s’envola de la main de Sven, fendit dans un sifflement l’espace pour percuter son poignet. L’incrédulité et la douleur figèrent le regard de Donovan. Ses doigts par réflexe se contractèrent, enfonçant le déclencheur. Le tir fusa, légèrement dévié. La ligne de feu atteignit cependant la canne du sylphe.

Tout alla ensuite très vite.

Comme s’il n’attendait que ce signal, le ciel poussa un rugissement d’une telle puissance qu’il coucha à terre la moindre pousse d’herbe. De noir, le ciel devint couleur de souffre. Une teinte fluorescente, annonciatrice de catastrophe. Une main de feu, large et puissante comme un battoir, déchira le rideau de pluie. De longs doigts se déployèrent, empoignant arme, canne et bras tendus, unissant les deux adversaires dans une étreinte incandescente. Même s’il l’avait voulu, Till n’aurait pu s’en dégager. Autour de lui l’atmosphère, saturée d’électricité, crépitait, couvrant les hurlements d’une armée refluant en direction du chemin côtier. De tous côtés, des éclairs martelaient la terre comme si toutes les forges des enfers avaient décidé d’exploser ce caillou perdu au milieu de l’océan. De mémoire jamais personne n’avait connu pareil déchaînement. Les membres de la délégation, protégés par le bouclier des sylphes, assistaient terrifiés et impuissants à cet embrasement. Blair, Châny et Naëlle se débattaient, voulant échapper aux mains qui les retenaient. Vaine tentative, si le bouclier avait failli un instant, il s’était à présent refermé. Sven, projeté à terre, ne bougeait plus. Dans ce chaos, seul Harald avait retrouvé son air imperturbable.

Mais, tout cela, Till ne le vit pas. À quelques pas de lui, Donovan se débattait avec toute l’énergie du désespoir. Ses yeux exorbités criaient l’effroi, sa bouche dévorait ses regrets, déjà son visage s’estompait dans une brume fumeuse. Ce fut la toute dernière image imprimée sur la rétine de Till avant qu’il ne perde conscience.

 

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Edouard PArle
Posté le 25/10/2022
Coucou !
Je n'ai plus complètement en mémoire la précédente version mais je préfère largement celle-ci. La mort d'Elhyane est tragique, dure (je ne suis même plus sûr qu'elle mourait avant je t'avoue), mémorable.
Les pensées de Donovan sont bien dans le personnage, j'apprécie aussi beaucoup la description des éléments qui se déchaînent. Ca fait vraiment vision apocalyptique, c'est digne d'une fin de roman en fanfare ! Et le rôle déterminant de Sven est très intéressant.
Mes remarques :
"Ignorant la souffrance, il redressa le dos" -> il se redressa ?
"Il devrait agir vite, au bon moment, après il serait trop tard." je ne sais pas trop comment le tourner mais "un maintenant ou jamais" pourrait être encore plus percutant que "il serait trop tard"
Un plaisir,
A bientôt !
Hortense
Posté le 05/11/2022
Coucou Édouard, je viens de voir que je ne t’avais même pas répondu. Désolée, j’ai un peu perdu la notion du temps et il faut avouer que plume nous sollicite beaucoup en ce moment.
Merci mill
Hortense
Posté le 05/11/2022
Ahrrr! J’écris sur mon téléphone et mes doigts ont fourché ! Donc mille mercis pour ton retour. Effectivement Elhyane ne mourait pas dans l’ancienne version, je suis heureuse que celle-ci te plaise. Un grand merci aussi pour avoir pensé à moi pour les HO, cela me touche beaucoup.
À très bientôt
Edouard PArle
Posté le 06/11/2022
C'est bien ce qu'il me semblait.
Avec plaisir pour les HO (=
Baladine
Posté le 24/09/2022
Superbe, j'aime beaucoup le fait que c'est l'énergie de Sven qui déclenche le pouvoir de la canne, et que Till n'osait pas actionner.
Bon, je lis la suite, du coup...
Hortense
Posté le 28/09/2022
C'est Edouard qui m'avait suggérer la retenue de Till, il faut rendre à César...
A bientôt
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