– Si j’en crois la carte, on ne devrait plus être bien loin de Calbanac, la capitale du Royaume des Grands Lacs. En marchant bien, on pourrait l’atteindre avant la nuit. On pourra contourner ce sommet-ci pour éviter la partie la plus escarpée, et arriver par là dans la ville.
Depuis cinq jours, Joël et Galabin prenaient de l’altitude, laissant derrière eux la densité de la forêt Ghascale pour un paysage offrant une végétation plus parsemée, essentiellement composée d’arbustes et de conifères. Quelques beaux frênes leur offrait cependant un abris bienvenue lorsque la pluie venait à tomber, ce qui était le cas plusieurs fois par jours.
Penché au-dessus de l’épaule de Galabin, Joël avait toujours autant de mal à faire le lien entre les petites lignes courbes dessinées sur le papier et le paysage montagneux qui l’entourait, mais il commençait à repérer quelques points importants que son ami lui avait indiqué : l’emplacement du village de Pacisole et de Calbanac en faisait partie.
– J’ai du mal à croire que tout ce qu’on a fait ne représente que ce petit bout de chemin sur ta carte, dit-il.
– Le monde est grand, sourit Galabin. Encore plus que ce qu’on le pensais !
Il enroula la carte et la glissa dans son sac avec difficulté, car Cama lui envoyait de petit coups de museaux dans le bras.
– Mais oui, ma belle, j’arrive ! C’est l’heure du brossage, c’est ça ? dit-il en lui grattouillant le cou.
– Tu ne trouve pas les chevaux agités depuis quelques minutes ? demanda Joël.
– On ne s’est peut-être pas assez occupé d’eux ces derniers jours, supposa Galabin en continuant de caresser Cama entre les oreilles. Ou bien c’est cette pluie fine qui les dérange, ils n’ont pas l’habitude d’être mouillés. Tu crois qu’ils ont froid ?
– Avec les épaisses couvertures en laine que nous a donné Gardil, je ne penses pas. Et puis, regarde, la pluie s’est déjà arrêtée, voilà le soleil qui revient. Non, regarde : ils ont l’air inquiets, ils ont entendu quelque chose. Avançons par là, tu veux bien ?
– Très bien, suivons l’homme qui parle aux chevaux !
Joël secoua la tête et détacha Savane du tronc du frêne avant de le reprendre en longe courte. Le terrain, ici, était bien plus dangereux que la forêt pour un jeune poulain. Se fiant aux regards et aux mouvements d’oreilles de Brousse, Joël mena la troupe en direction d’une vire, un passage étroit à flanc de falaise. À la vue du vide, Brousse poussa un hennissement puissant.
– On ne pourra pas passer ici avec la charrette, remarqua Galabin, c’est trop dangereux.
Joël lui fit signe de se taire et d’écouter.
– Tu entends ? demanda-t-il ensuite. Quelqu’un crie !
– Quoi ? bougonna Galabin, a qui les appels en pleine natures rappelaient de douloureux souvenirs.
– Attendez-moi ici, dit Joël en donnant à Galabin la longe de Savane. Le petit poulin croisa le regard de Galabin, qui soupira :
– Il va revenir vite, ne t’inquiète pas. Mais ce doit être important pour qu’il te lâche une minute.
Galabin avança sa main tendue pour caresser le menton du poulain, et constata qu’il n’avait plus de mouvement de recul. Alors, il s’amusa a avancer, reculer, constatant tout les progrès que Savane avait pu faire ce dernier mois.
– Et bien dis donc, bravo, vous avez bien bossé tout les deux ! dit-il joyeusement.
Son ami réapparut, et il allait le féliciter également quand il remarqua son visage tendu.
– Il y a quelqu’un de coincé en bas, dit Joël, essoufflé.
Galabin et Joël attachèrent Savane à un arbuste et se dirigèrent ensemble vers la vire. Quelques mètres plus loin, ils aperçurent un homme qui leur faisait signe, piégé sur une terrasse herbeuse en contrebas. Il était en compagnie d’un cheval à la robe blanche éclatante, qui les regarda d’un air indifférent avant de brouter les quelques brins d’herbes. En effet, en dessous d’eux, la falaise tombait à pic. Le précipice au-dessus de leur tête offrait une pente moins raide, mais l’ascension restait risquée, même pour un bon grimpeur.
– On va vous sortir de là ! cria Galabin.
– Comment tu veux t’y prendre, demanda Joël, on ne peut pas emmener Cama ici.
– Je vais te montrer un ou deux secrets de sourcier aujourd’hui. Tu sais, les sources ne sont pas toujours faciles à approcher.
De retour auprès de la calèche, Galabin fouilla dans ses bagages tandis que Joël était chargé de désatteler Cama. Puis, Galabin lui tendit une longue corde en lui demandant :
– Tu peux lui expliquer ce qu’on va faire, et lui attacher ça s’il-te-plaît ?
Sur ces mots, Galabin s’éloigna à nouveau sur le sentier à flanc de falaise, avec son petit sac de travail en main. Joël prépara Cama, enroula la corde autour d’un tronc pour ne pas qu’elle s’y prenne les jambes, et alla observer, inquiet, la suite des opérations.
Galabin était en train d’enfoncer dans la roche, à grand coups de marteau, de longs clous dotés d’un trou, semblables à de gigantesques aiguilles à coudre.
– Je commence à comprendre, dit Joël. Et tu comptes sur ces clous pour sécuriser Cama ?
Joël tira sur le premier, que son ami avait fini de placer, et put constater qu’il ne bougeait pas d’un poil.
– Ce sont des pitons, précisa Galabin. J’en ai cinq, je vais tous les placer. Grâce à eux, elle pourra rester en dehors du sentier, et s’aider de la pente de la montagne pour avancer et tracter le cheval blanc si nécessaire, mais dans l’idéal, elle sera surtout là pour accompagner et sécuriser sa sortie. La paroi n’est pas trop raide, j’espère parvenir à le tirer de là facilement. Autrement, si les pitons venaient à lâcher…
Galabin désigna la machette à sa ceinture et Joël secoua la tête. Il espérait qu’ils n’auraient pas à en arriver là, que les pitons tiendraient bons et que Galabin n’aurait pas à couper la corde. Cependant, Joël avait une bonne intuition. Il regarda encore le cheval blanc, dont la robe semblait presque scintiller dans la douce lumière du matin. S’il s’agissait bien de ce qu’il pensait, l’animal n’aurait aucune difficulté à se sortir d’ici. Il était même surprenant qu’il y soit resté coincé.
Lorsqu’il eut finit d’équiper verticalement la paroi au-dessus de sa tête, Galabin attrapa le bout de la corde qui était attachée sur Cama, et le fit passer dans les trous des cinq pitons. Le dernier était à la verticale au-dessus de l’emplacement des deux malchanceux, et il commença ensuite à faire descendre la corde le long de la falaise. Joël commençait à donner des indications à l’homme pour qu’il attache son cheval sans le blesser.
– On sort le cheval d’abord ? s’étonna ce dernier.
– Le cheval d’abord, confirma Joël. Voilà, comme ça c’est parfait, dit-il, encourageant, tandis que l’homme nouait la corde à différent points d’encrage.
Cependant, le cheval semblait réfractaire. Il se dérobait, effectuant de petits pas de côté, et secouait la tête d’un air mécontent. Joël aurait aimé être auprès de lui, car l’homme semblait ne pas savoir commet s’y prendre pour le rassurer. Pris d’un doute de plus en plus fort, Joël finit par dire :
– Ne t’inquiète pas, là… On va te sortir d’ici, et je te promet qu’on va te ramener chez toi. C’est bien, voilà. C’est très bien. Galabin, le cheval est prêt.
– Parfait. Tu peux aller auprès de Cama. Je te dis dès que tu peux la faire avancer.
Après un dernier regard en arrière, Joël partit rejoindre Cama. Déjà, le cheval blanc commençait à gravir la falaise, et Galabin devait tirer sur la corde lui-même. Joël se dépêcha, et fit avancer Cama à un rythme lent, régulier, sous les indications de son ami qui criait :
– Sec ! Sec, sec, encore !
Puis, au bout de quelques dizaines de secondes, il lui cria :
– C’est bon ! Je détache le cheval, tu peux venir le récupérer ?
Joël, le coeur battant, alla à la rencontre de l’animal. Sur la vire, il ne laissa rien paraître, mais dès qu’il l’eut accompagné jusqu’à la charrette, il s’arrêta, et l’observa de plus près. Il le caressa d’abord sous le cou, découvrant un pelage d’une douceur rare, puis derrière et enfin entre les oreilles. Il lâcha alors un sourire émerveillé.
Quelques minutes plus tard, ils usèrent de la même technique, et Cama hissa sans mal jusqu’à eux un homme d’une quarantaine d’année, vêtue d’habits de coton beiges et d’une cape bleue turquoise lui tombant jusqu’aux cuisses. Ils l’invitèrent à s’asseoir et lui offrirent à boire et à manger autant qu’ils purent se le permettre. Il ne leur restait que quelques baies et champignons ramassé dans la forêt, car le lapin qu’ils avaient chassé la veille ne leur avait pas fait plus d’un repas.
Lorsqu’il se fut un peu restauré, l’homme se présenta :
– Je m’appelle Kdü. J’étais monté vendre des légumes et de la viande séchée de ma ferme au marché de Calbanac, et en repartant vers mon village, Pallailla j’ai voulu prendre un raccourci en empruntant ce chemin sur la falaise. Mon cheval à dérapé, et on s’est retrouvé coincé. Quatre jours sont passés, je commençait à désespérer ; je n’avais plus rien à manger, et presque plus d’eau. Je ne vous remercierez jamais assez. Merci, merci. Je n’ai rien à vous offrir, hormis ma reconnaissance éternelle.
Sa peau brûlée par le soleil et son visage amaigri allait dans le sens de ses propos, toutefois, Joël demeurait sceptique. Prétextant une envie pressante, l’homme nommé Kdü finit par se lever et s’éloigner d’eux. Joël profita de cette occasion pour faire part de ses doutes à son ami.
– Qu’est-ce qui te rend si méfiant à son égard ? s’étonna Galabin, qui savait que cela ne lui ressemblait pas.
– Regarde cette splendeur, répondit-il Joël en caressant l’encolure du cheval blanc. Ce n’est pas un cheval ordinaire. Aucun paysan ne pourrait s’offrir une monture pareille.
– Ce n’est que ça ? Il élève peut-être cette race de chevaux dans sa ferme.
Joël secoua la tête, mais ne put rien ajouter d’autre, car Kdü revenait, avec un grand sourire et un air d’entrain nouveau.
– Jolie jument n’est-ce pas ? dit-il. Allez, encore merci les jeunes, mais je dois reprendre la route. Ma famille doit se faire un sang d’encre pour moi.
Une fois de plus, Joël constata que le cheval avait un mouvement de recul à l’approche de l’homme qui s’en disait propriétaire. Il fallait à tout pris qu’il l’empêche de partir avant d’en savoir plus. Paniqué, il commença à bredouiller une phrase incompréhensible, lorsque Galabin intervint pour lui sauver la mise :
– Je ne penses pas que ce soit prudent de reprendre la route dans votre état, Monsieur. Votre village est loin, et vous êtes à cours de vivres. Nous ne pouvons malheureusement pas vous en donner davantage, car nos réserves tarissent, mais accompagnez nous à Calbanac. Vous y ferez un bon repas, rachèterez de quoi faire la route, et vous vous reposerez une nuit avant de repartir. Il vaut mieux que vos proches s’inquiètent quelques jours de route, plutôt que de risquer de mourir de faim en essayant de les rejoindre.
– Oh, ne vous inquiétez pas pour ça ! dit l’homme avant de partir d’un grand rire puissant. Je connais la montagne comme ma poche, et je suis bon pêcheur. Je saurai trouver de quoi me restaurer.
– Ah, vous pêchez ? demanda Joël d’un air jovial. Je viens d’une grande famille de pêcheur, mais je n’ai pas emporté ma canne à pêche qui était vraiment trop encombrante pour le voyage. Accepteriez-vous me montrer votre matériel ?
– Malheureusement, je n’en aurais pas le temps, répondit Kdü, qui affichait un sourire de plus en plus forcé. Il faut vraiment que je reprenne la route.
Il s’approcha de la jument blanche, qui cette fois fit un grand pas de côté pour s’éloigner de lui.
– Allez, ma belle, ne fait pas ta difficile, siffla Kdü entre ses lèvres.
Galabin s’approcha de quelques pas, et contempla l’animal. Cette fois, il avait bien perçu son l’attitude défensive. Il échangea un coup d’oeil entendu avec Joël, et ce dernier disparut derrière la charrette tandis que Galabin faisait diversion.
– C’est vrai qu’elle est splendide, demanda-t-il. Comment s’appelle-t-elle ?
– Elle s’appelle… heu… Blanche. Blanche, grommela Kdü en essayant vainement de saisir le licol de l’animal, qui ne cessait de bouger la tête et de tourner sur lui-même.
– J’ai l’impression que Blanche ne veut pas vous suivre, constata Galabin. Je suis désolé, mais je pense qu’elle a besoin de repos. Elle aussi à passé quatre jours piégée sur cette corniche. Avez-vous seulement partagé votre eau avec elle ?
– Je n’ai pas à répondre à toutes ces questions, répondit l’homme, sur un ton franchement hostile à présent. Je dois reprendre la route, et le cheval m’accompagne. Je n’hésiterais pas à employer la force si vous continuez à vous mettre en travers de mon chemin.
– Votre reconnaissance éternelle aura durée bien peu de temps, constata Galabin à regret.
Kdü glissa une main dans sa cape et en sortit une épée courte, donc le pommeau était orné d’une tête de dragon.
– Eloignes-toi de la jument, ordonna l’homme, laisse-moi partir et je ne te ferai aucun mal.
– Malheureusement c’est impossible, répondit Galabin. Ce cheval n’est pas à vous, et nous lui avons promis de le ramener chez lui. Joël, tu es prêt ?
– Prêt à décocher, répondit Joël. Si vous faites le moindre geste en direction de mon ami, je n’hésiterai pas.
Kdü se retourna pour constater que Joël, arc en main, le menaçait d’une flèche bien acérée. Il n’aurait pas cru un tel gringalet capable de bander un arc avec autant de force. L’homme laissa tomber au sol son épée, et tendit les mains en l’air, à bout de force.
– Me laisserez-vous partir à présent ?
– Non, décréta Galabin, je n’ai plus confiance. Je vais vous attacher les mains et les pieds, et vous ferez le voyage en charrette jusqu’à Calbanac. Nous verrons là-bas quel sort ils vous réserveront.
Kdü tomba à genoux, dépité, mais ne protesta plus. Comme il l’avait annoncé, Galabin s’avança vers lui, récupéra son arme, puis entrepris de l’attacher avec la même corde qui avait servit à le sauver. Ce n’est qu’une fois chose faite que Joël abaissa son arme, et se sentit assez serein pour lancer :
– Tu vois que tu as besoin que je sois là pour assurer tes arrières !
Les garçons s’échangèrent un sourire complice, puis chargèrent l’homme ligoté dans la charrette avec le plus de ménagement possible.
– En route, décréta Galabin. Nous avons encore un peu de route, et nous ne pouvons plus compter sur la charrette pour que Savane puisse se reposer maintenant. Nous devrons faire plus de pauses.
Ils retournèrent sur leur pas pour regagner le chemin carrossable qui menait à la ville, qui était beaucoup plus praticable que celui de la forêt. A l’approche de la capitale, Joël tremblait d’espoir et d’impatience. Ils étaient arrivés au Royaume des Grands Lacs. Ils allaient peut-être enfin retrouver Ondine.
J'espère aussi que toute l'équipe se réunisse comme Joel :) j'ai le même côté meute haha
Mes remarques:
Je comprends assez mal comment le voleur s'est coincé (il me semble que si un cheval passe, un humain aussi comme ce sont plutôt des animaux des plaines que des montagnes ?)
Première phrase : qui parle ? je mettrai l'indication après "– Si j’en crois la carte, on ne devrait plus être bien loin de Calbanac, la capitale du Royaume des Grands Lacs."
– Le monde est grand, sourit Galabin. Encore plus que ce qu’on le pensais ! --> pensait
– Avec les épaisses couvertures en laine que nous a donné Gardil, je ne penses pas. Et puis, regarde, la pluie s’est déjà arrêtée, voilà le soleil qui revient. Non, regarde : ils ont l’air inquiets, ils ont entendu quelque chose. Avançons par là, tu veux bien ? --> deux fois regarde ; je me demande si la laine tient bien la pluie ? + je mettrai des indications des mouvements des chevaux car ce n'est pas la même chose la peur que le froid --> oreilles dressée, port de tête haut, naseau dilaté VS une attitude plus avachie en cas de froid ou alors des grelottements
– Quoi ? bougonna Galabin, a qui les appels en pleine natures rappelaient de douloureux souvenirs. --> à qui ; je me demande aussi si le souvenir est vrmt douloureux ou autre chose ?
– Attendez-moi ici, dit Joël en donnant à Galabin la longe de Savane. Le petit poulin croisa le regard de Galabin, qui soupira --> y a bcp de fois Galabin
– Votre reconnaissance éternelle aura durée bien peu de temps, constata Galabin à regret. --> duré
son arme, puis entrepris de l’attacher avec la même corde qui avait servit à le sauver. Ce n’est qu’une fois chose faite que Joël abaissa son arme, et se sentit assez serein pour lancer : --> deux fois arme (son arc? sa lame?)
– En route, décréta Galabin. Nous avons encore un peu de route, et nous ne pouvons plus compter sur la charrette --> deux fois route !
Je me suis demandé si y avait moyen de relier ce chapitre avec celui sur leur dispute ? Une idée comme ça. Ici, on a un nouvel événement, mais on reste un peu sur notre faim quant au développement de l'histoire générale
J'aime trop ces deux amis et je suis soulagé de les voir coopéré et se soutenir <3
Je comprends la confusion sur le fait que le voleur soit coincé, je vais enlever la phrase qui sème le doute.
Sur le souvenir douloureux au moment du cri j'ai moi-même galéré à me souvenir pourquoi j'avais écris ça, oups ! Mais ce sont les cris de l'ours qui l'ont mené à rencontrer la dragonne. Je développerai un peu.
"Je me suis demandé si y avait moyen de relier ce chapitre avec celui sur leur dispute ? Une idée comme ça. Ici, on a un nouvel événement, mais on reste un peu sur notre faim quant au développement de l'histoire générale"
-> je note l'idée, je peux aussi le coupler au chapitre suivant qui est peut-être un peu trop dans la même veine
Merci pour ton retour :)