Chapitre 4 : Le livre derrière la grille

Par Phémie
Notes de l’auteur : J'avais abandonné le trio Amandrille/Ondine/Stëban de nuit, en fuite, au bord d'un lac... Voilà la suite de leurs aventures.
Merci d'être encore là :)

Tout se passa comme Amandrille l’avait décrit. Stëban avait nagé une dizaine de mètres en sous l’eau avant de sentir une des filles tirer sur une des cordes. C’était le signal qu’elle avait besoin de respirer. Ils s’étaient rapprochés de la surface et avaient respiré quelques poignées de secondes avant de plonger à nouveau. Il avait pas la suite ajusté la fréquence de ses poses pour correspondre à leurs capacités d’apnée, et la traversée s’était bien déroulée. Puis, dès qu’il eut posé une main sur le mur du palais, il sentit la corde autour de sa taille se resserrer. Il fut hissé en un instant hors de l’eau par une force surhumaine. Réagissant immédiatement, il plaça ses mains au hasard au-dessus de lui en se tractant au mieux, et en poussant au hasard la pierre qui lui tombait sous les pieds,. Il n’avait absolument pas le temps de chercher des prise. Bientôt, il sentit qu’Ondine était également en cours d’escalade à sa suite, mais la naine avait déjà atteint la fenêtre. A la lueur de la lune, il la vit s’encorder en un instant au garde-fou de la fenêtre, et se retourner face à eux pour tirer directement sur la corde de Stëban. Quelques instant plus tard, il attrapait sa main tendue puis saisissait la rambarde métallique. Il s’y hissa à califourchon puis tira à son tour pour aider Ondine à les rejoindre. Ils reprirent leur souffle quelques instants, avant de se tourner vers la fenêtre fermée qui leur barrait la route. Amandrille inspecta les carreaux du bout des doigts, à la recherche d’une fissure, et les autres l’imitèrent.

– Là, chuchota doucement Ondine.

Un des carreaux tremblait à la moindre impulsion, signe que le cadran en bois qui le retenait avait souffert du temps et de l’humidité. Stëban ressortit de sa poche son couteau de pêche et entrepris de faire éclater le bois vermoulu. Ce n’était pas une opération silencieuse, mais cela faisait beaucoup moins de bruit que de casser une vitre. Rapidement cependant, Amandrille l’arrêta :

– Patrouille, chuchota-t-elle. A mon signal, suspendez-vous.

Ils resta donc pendu à la balustrade une poignée de secondes avant de pouvoir reprendre son effraction. Il avait presque dégagé tout le carreau lorsque la naine le prévint à nouveau du passage de gardes. Après s’être encore caché sous la fenêtre, il pu enfin dégager le morceau de verre, qu’il lança dans le lac sans ménagement, s’attirant des regards désapprobateurs. Il haussa les épaules avant de glisser sa main par l’ouverture, pour atteindre la poignée de la fenêtre. C’était un bouton ovale, qu’il fit tourner pour mettre en mouvement les deux crémones qui verrouillaient la fenêtre. Une fois chose faite, ils n’eurent qu’à pousser délicatement les deux battants qui s’ouvrirent vers l’intérieur avec un léger grincement.

Stëban posa avec précaution ses pieds encore humides sur un sol carrelé excessivement glissant, et aida les filles à entrer sans se faire piéger, supposant qu’elles n’étaient pas familière de ce type de revêtement. Puis ils refermèrent derrière eux et avancèrent avec précaution jusqu’au long tapis qui parcourait tout le couloir. Là, ils se détachèrent les uns des autres, gardant uniquement leur nœud à la taille et enroulant leurs cordes en bandoulière. Stëban put alors prendre les devant, retrouvant rapidement, malgré la pénombre environnante, l’escalier qui descendait jusqu’à la bibliothèque. Il avait tellement tourné dans ces couloirs le matin même qu’il s’y repérait sans peine. Amandrille jeta une oreille, les rassura d’un signe de tête, et ils descendirent dans le noir les marches étroites de l’escalier en colimaçon. A partir d’ici, ils s’enfonçaient en dessous du niveau de l’eau, au coeur du bâtiment, et même la faible lueur de la lune ne pouvait plus les guider.

Stëban se tenait au mur, et avançait prudemment un pied après l’autre. Mais au bout d’une trentaine de marches, ses doigts rencontrèrent du vide. Il tâtonna du bout des orteils, et compris, au changement de bruit, qu’ils avaient rencontré le parquet en bois de la bibliothèque. Il chercha et attrapa la main d’Ondine, qui le suivait, et l’entraîna à sa suite à l’intérieur de la pièce. Il entendit au petit grincement de bois qu’Amandrille les avait également rejoint, et il chuchota dans sa direction :

– Si les informations que j’ai pu lire sur les nains des profondeurs sont exactes, tu peux voir dans le noir. Tu pourrais nous trouver une lanterne ?

Quelques secondes de silence passèrent, avant qu’elle ne lui réponde d’un air gêné :

– Tes informations sont… justes... mais, je dirais... incomplètes.

Stëban afficha un air déconfit qu’elle ne put heureusement pas voir. Il contait beaucoup sur cette compétence précieuse pour les tirer d’un éventuel mauvais pas, si les choses venaient à mal tourner.

– C’est pas grave, chuchota-t-il, fouillez les murs il doit y avoir des lampes à huile suspendues un peu partout.

De son côté, il fouilla ses souvenirs. Le matin même, il était entré ici sans se soucier de la provenance des sources de lumière, et pourtant cette pièce sans fenêtre était agréablement éclairée. Toutefois, pour mieux explorer les rayonnages, il avait attrapé une lampe à huile, qu’il avait trouvé sur une table à sa gauche.

Avançant avec beaucoup de prudence, il se dirigea dans la direction qu’il pensait être la bonne. Ayant peur de heurter bruyamment une étagère ou une chaise, il avançait extrêmement lentement.

– Il n’y a rien sur les murs, chuchota Amandrille, qui s’était rapprochée de lui.

– J’ai peut-être quelque chose, répondit Stëban qui venait de toucher une table en bois. Là !

Quelques secondes plus tard, sa lanterne projetait une douce lumière jaune auteur d’elle, dans laquelle les trois clandestins du palais se réunirent.

– Parfait, chuchota Stëban, regardez, il y a d’autres lanternes ici. Prenez-en une chacune, et on se sépare. Amandrille tu prends la rangée d’étagères de gauche, Ondine tu prends à droite, et je prends au milieu. Pas la peine de regarder sur celle du fond j’ai déjà tout passé en revue. On cherche un ouvrage de l’auteur Luclus Calporius, mais je ne connaît pas son titre. C’est un ouvrage très ancien, qui sera extrêmement fragile. Prévenez-moi si vous le trouvez, ou si vous avez le moindre doute sur un livre.

Ils allaient se disperser, lorsque Ondine demanda d’une voix gênée :

– Et, il est de quelle couleur ce livre ? Plutôt épais, plutôt fin ?

– Mais je n’en ai aucune idée ! répondit Stëban avec une pointe d’agacement. Et d’ailleurs je me fiche de sa couleur, tant que l’auteur est Luclus Calporius.

 

Ondine afficha un air déconfit. Plus perspicace que lui, Amandrille comprit le problème et envoya à Stëban une petite bourrade dans le bras en le réprimandant :

– Hé, turcule des lacs ! Elle sait pas lire.

Stëban se mordit les lèvres, contrit. Puis, tentant de désamorcer la situation, il en fit l’inventaire :

– Une naine qui ne voit pas dans le noir, une humaine qui ne sait pas lire, et un plongeur sans combinaison… On fait une belle équipe !

Deux sourires lui répondirent, et il continua :

– Ondine, tu restes avec moi ? Amandrille, tu prends la rangée de droite, et on fera ensemble celle du milieu quand on aura terminé.

L’exploration des rayonnages commença. Les bibliothèques étaient hautes comme un homme aux bras tendus, et étaient réparties en trois rangées parallèles, ainsi qu’une occupant tout le mur du fond. S’y côtoyaient de nombreux ouvrages traitant d’artisanat, d’architecture, de pêche, de cueillette, d’histoire et de géographie, d’art et de science. Peu parlaient de dragons, et dans ces rares cas il ne s’agissait que d’ouvrages pratiques sur les principes et les protocoles de surveillance des dragons captifs. Ne se décourageant pas, Stëban continuait à lire voir déchiffrer chaque tranche de chaque ouvrage. A ses côtés, Ondine se rendait utile comme elle pouvait, lui tenant la lanterne lorsqu’il fatiguait, et lui servant de point de repère en avançant au fur et à mesure qu’il avait passé en revu toute une bibliothèque.

A un moment, elle lui fit signe de regarder au plafond. Derrière l’étagère qu’ils observaient, au centre du plafond voûté, était suspendu un lustre splendide, équipé d’une multitude de bougies qu’il tendait tout autour de lui comme un animal marin aux cent bras. C’était donc ce chandelier qui éclairait la pièce à lui seul ! Ondine et Stëban échangèrent un petit sourire admiratif, se rappelant un instant qu’ils étaient dans une des plus belles bibliothèques au monde. Ils se remirent ensuite au travail, Stëban concentré sur sa lecture, et Ondine observant avec regret tout les caractères énigmatiques qui dansaient devant elle à la lueur des flammes.

Elle aurait tellement aimé savoir lire. Sans doute que, si elle avait grandi ici, dans les grands lacs, elle aurait appris. On racontait même qu’il y existait des bâtiments consacrés à l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, et elle avait rêvée plus d’une fois qu’elle était assise sur l’un de ces bancs, à découvrir des textes fabuleux, relatant des aventures extraordinaires. Elle était ensuite envahi d’un immense sentiment de culpabilité, envers son cher père qui lui avait apporté tout l’amour dont elle aurait pu rêver, envers son oncle, sa tante et son cousin qui l’avaient tout autant choyé, et envers tout le reste de la tribu, qui la traitait comme si elle était née parmi eux. Alors, pour atténuer sa honte, elle se rendait disponible pour tous, redoublait d’effort pour aider la famille Soundi dans ses préparatifs de cuisine, la famille Lorq à transporter les vêtements à laver, les Garval à rentrer une cargaison de fer…

– Ondine ? Ondine ! On a fini !

La voix de Stëban la tira de sa rêverie. Ils s’avancèrent vers la rangée centrale, et Amandrille, ayant finit peu de temps après eux, les y rejoints. Dos à dos, Stëban et Amandrille recommencèrent à plisser leurs yeux à quelques centimètres des livres lorsque la naine bondit sur ses pieds, en alerte.

– Quelqu’un vient, murmura-t-elle. Suivez-moi, vite !

Ils se précipitèrent à sa suite au fond de la pièce, où le mur était recouvert de rayonnage. Amandrille grimpa sur le dessus de la bibliothèque en un bond et leur tendit sa corde en s’agrippant au mur. Stëban aida Ondine à monter puis saisit à son tour la corde pour se hisser aux côté des filles. Des voix et des bruits de pas en provenance de l’escalier commençait à parvenir aux oreilles des humains, mais avant que les deux gardes n’entre dans la pièce, ils avaient éteint leurs lanternes et s’étaient allongés sur les étagères, contre le mur, le nez dans une fine couche de poussière.

– Tu peux m’expliquer pourquoi on vient patrouiller jusqu’ici ? demandait une voix d’homme.

– Il y a eu une intrusion ici ce matin, lui répondit une voix de femme un peu plus lointaine. Apparemment ce serait le même homme que celui qui s’est échappé de cellule tout à l’heure, quand ils ont sonné la cloche d’alerte. Alors, il vaut mieux garder un œil sur la bibliothèque.

L’homme lâcha un rire guttural.

– J’espère pour lui, s’il est pas idiot, qu’il est loin d’ici à l’heure qu’il est ! Qui irait s’introduire ici avec toute la garde de la reine à ses trousses ?

– Quelqu’un qui en veut aux secrets du royaume peut-être ? Avec tout ce qu’il se passe en ce moment, la reine se montre vigilante, et je la comprends.

– Fais ce que tu veux, mais moi, je fais un tour et je remonte. Cet endroit me file la chair de poule, j’ai l’impression de sentir son souffle putride dès que je passe en dessous du niveau de l’eau.

L’homme avançait dans la rangée centrale, droit devant eux. Ondine retint sa respiration. Elle sentait ses cheveux se dresser dans sa nuque, s’attendant à tout moment à ce qu’il la découvre. Mais de là où il se tenait, il ne vit que de l’ombre et de la pierre au-dessus de la bibliothèque.

– Rien à signaler, conclua-t-il.

– Rien de mon côté non plus.

– On jette un œil à celle du bas ?

– J’ai déjà vérifié le cadenas avant d’entrer, dit la femme. On peut remonter, t’as réussi à me faire peur avec tes histoires de souffle putride.

Ondine entendit les gardes s’éloigner dans les escaliers, et ses muscles perdirent leur raideur pour se voir gagner de terribles tremblements. L’adrénaline l’avait protégé jusque-là du froid, mais elle réalisait à présent qu’elle était gelée dans ses habits mouillés. Elle venait à envier Amandrille avec sa tenue minimaliste, et même Stëban qui était obligé de se promener torse nu suite au sacrifice de sa chemise lors de l’évasion du poste de garde.

Cependant, il était hors de questions qu’elle admette qu’elle avait froid. Elle se sentait déjà assez inutile comme ça. Les deux autres étaient déjà descendus, prêts à reprendre leur recherche. Elle accepta les bras tendus de Stëban et sauta vers lui, confiante. Il ne fléchit même pas en la réceptionnant ; en revanche, bien qu’elle ne montrât rien, il remarqua à son contact :

– Tu trembles, tu es glaciale !

Amandrille s’approcha également et saisit sa main.

– Met toi dans un coin ou va dans l’escalier, enlève tes vêtements et réchauffes-toi comme tu peux avec la lanterne, proposa le jeune homme. Je resterai à distance.

– Attends ! l’arrêta Amandrille.

Elle attrapa la deuxième main d’Ondine et se planta devant elle, en la regardant droit dans les yeux.

– Tu te rappelles ? L’eau ne te mouille pas.

Stëban, ne voyant pas du tout ce qu’elle voulait dire par là, observait les filles dans un silence interloqué.

– L’eau ne me mouille pas, répétait Ondine, comme hypnotisée. L’eau ne me mouille pas. Je suis de l’eau solide.

Ondine ferma les yeux, et quelques secondes passèrent durant lesquelles ses habits changèrent légèrement de couleur.

– Impossible, dit Stëban en touchant le bras d'Ondine pour s’en persuader. Ses habits son complètement secs ! Comment est-ce que vous avez fait ça ?

– Elle l’a fait toute seule, sourit Amandrille.

– Je crois que j’ai absorbé l’eau dans mon corps, dit Ondine en ouvrant les yeux, étonnée. Je me sens réchauffée et pleine d’énergie.

– Et bien garde ton énergie bien à l’intérieur, commenta Amandrille, ça serait dommage d’inonder un si beau parquet.

Stëban leur lança un regard curieux, mais garda ses questions pour plus tard. Il reporta son attention sur les rayonnages, et Amandrille l’imita. Ondine, toujours un peu envieuse, les regardaient incliner la tête et tendre leurs lampe d’un air concentré et intelligent. Elle ne savait peut-être pas lire, mais elle avait ce pouvoir puissant et mystérieux, sans lequel elle ne serait pas ici aujourd’hui, auprès de ces deux personnes incroyables. Elle sentit que, grâce à lui, elle pourrait un jour se sentir aussi forte qu’eux, et être à leurs côtés comme une partenaire à part entière, et pas comme un poids inutile que l’on aurait préféré laisser sur la berge. Alors, pour la première fois, elle fut contente que cette magie lui soit parvenue, à elle.

Après s’être fait cette réflexion, l’ennui commença sérieusement à la gagner. Cela faisait une éternité qu’ils fouillaient l’immense bibliothèque, et il n’y avait aucun signe du livre qu’il cherchait. Peut-être que Stëban avait de mauvaises informations, et qu’il n’était pas ici. Soudain, comme elle se faisait cette remarque, un détail lui revint :

– Dites, chuchota-t-elle, vous vous rappelez ce qu’on dit les gardes avant de partir ?

– Que j’étais vraiment stupide d’être venu ici, grommela Stëban.

– Non, pas ça. Je crois qu’il y a une autre salle. En dessous de celle-ci.

Stëban, concentré sur sa recherche, lui servit une réponse vague. Il souhaitait finit de fouiller cette salle avant d’envisager l’existence d’une seconde. Amandrille, en revanche, avait tourné le dos à l’étagère de manuscrits et écoutait Ondine d’un air intéressé. Puis, elle demanda à Stëban :

– Tu ne trouves pas ça bizarre qu’il n’y ait aucun livre à propos des dragons ? Menuiserie, cuisine, dentelle… on trouve des livres sur tous les sujets, mais pas sur les dragons. Mais enfin, nous sommes dans la bibliothèque royale des Grands Lacs, le clan gardien de douze dragons !

– Plus personne ne s’intéresse aux dragons, commenta Stëban.

– Moi, je refuse de le croire. Je ne suis pas venue jusqu’ici pour perdre plus de temps devant cette jolie vitrine trompeuse. Amandrille s’éloigna vers l’escalier, et cette fois, Stëban lâcha sa tâche pour la rattraper.

– Attends ! Tu ne sais pas ce qu’il y a, dans les sous-sols ?

La naine frissona. Bien sûr, elle savait. Depuis qu’elle avait mis un pied dans le palais, elle ne cessait de revoir la gueule de Desreum penchée sur elle, sur son corps immobilisé complètement à sa merci. Sa peur était toujours aussi grande, aussi intense, lorsqu’elle y repensait.

– Je sais très bien ce qu’il y a là dessous. Et je t’assures que je n’ai aucune envie de m’en approcher. Mais je n’ai rien entendu en provenance des sous-sols pour le moment, on peut descendre quelques marches pour vérifier la théorie d'Ondine.

– Très bien, soupira Stëban, mais on reste ensemble, et on fait demi-tour si tu entend le moindre signe d’agitation.

Même lors de sa visite précédente, Stëban n’avait pas vu l’escalier dérobé qui s’ouvrait au pied du premier escalier en colimaçon. Le passage était étroit, et des marches raides descendait dans l’obscurité. Mais Amandrille devina vite que l’escalier n’irait pas beaucoup plus loin. L’air ici était sec, aucun souffle ne venait lui emmener des odeurs de mousse et d’humidité depuis les profondeurs du palais, et elle n’entendait rien d’autre que le bruit lointain des cascades.

En effet, ils n’eurent pas à avancer longtemps avant que l’escalier ne s’achève sur une ouverture arquée. Ils approchèrent et levèrent leurs lampes.

– Bien vu Ondine ! dit Amandrille. Il y a l’air d’avoir des tonnes de bouquins ici, peut-être même plus qu’en haut.

– Ouais… Dommage qu’on ne puisse pas passer, fit remarquer Stëban, désespéré.

Une lourde grille bloquait en effet l’accès de la salle, verrouillée par des chaînes épaisse et un énorme cadenas.

– Parles pour toi, ricana la naine.

Elle se plaqua à la paroi un instant, le temps de sécréter suffisamment d’huile, puis se glissa entre les barreaux avec un bruit de succion. Une fois de l’autre côté, elle se retourna avec eux avec un sourire triomphant, et les deux restés sur place la félicitèrent de concert.

– Par contre, ça va te prendre un temps fou de tout fouiller seule, regretta Ondine.

Amandrille avança vers les rayonnages, la lueur de sa lanterne leur révélant des dizaines de bibliothèques deux fois plus hautes que celles de l’étage. Le travail s’annonçait colossal.

– On est fichus, ajouta Ondine.

Amandrille continua d’avancer, tellement loin d’eux que la lueur de sa lampe devint un petit point. Ondine et Stëban échangèrent un regard d’une immense déception.

– Nous allons faire demi-tour, annonça Stëban. Il faut qu’on ait quitté la ville avant l’aube, je ne veux pas vous mettre en danger plus longtemps.

– Je suis désolée, chuchota Ondine. J’aurais tellement aimé qu’on puisses t’aider.

– Je ne comprend déjà pas pourquoi deux filles comme vous en avez autant fait pour moi, alors qu’on ne se connaissais même pas. Vous avez l’air d’avoir d’autres choses à faire que perdre votre temps avec une cause perdue. Sortons d’ici, et je vous guiderais jusqu’à Magline.

Ondine arrêta Stëban d’un geste de la main, puis laissa retomber ses doigts sur son avant-bras, avec délicatesse et pudeur. Elle n’était pas de nature timide, aussi, c’est les yeux plantés dans les siens qu’elle lui avoua :

– Ça va peut-être te paraître bizarre, mais j’ai l’impression étrange de te connaître depuis toujours. J’aurais eu envie de t’aider, même si tu ne nous avait pas proposé de nous accompagner ensuite.

Stëban, qui n’avait pas porté particulièrement attention à la jeune fille jusqu’à maintenant, la prenant pour une fille un petit peu trop sûre d’elle, habituée à obtenir tout ce qu’elle voulait des autres, fût frappé par la force de ces mots et la sincérité de son regard. Ils étaient encore suspendus dans cet instant confidentiel et troublant lorsqu’Amandrille, revenue auprès de la grille, les fit tous deux sursauter.

– Hé, les corpis, vous savez que j’entend tout ce que vous roucoulez, même si vous le faites en chuchotant ! Et franchement, c’est super gênant.

Ondine essuya ses yeux humides d’un revers de manche en reniflant, et râla :

– Amandrille, des fois tu n’as aucun coeur ! Stëban ne pourra jamais retourner chez lui sans ce livre.

Pour toute réponse, la naine lui servit un sourire immense, qu’elle ne sut pas tout de suite interprêter.

– Quoi ? Mais quoi ? s’impatienta Ondine.

– C’est classé par ordre alphabétique d’auteur, répondit Amandrille.

Ondine ne comprit pas tout à fait la signification de cette information, mais la réaction de Stëban lui indiqua que c’était une bonne nouvelle.

– Ça veut dire qu’on va le trouver rapidement ?

– Super rapidement, répondit Amandrille en attrapant la sacoche hermétique que Stëban lui tendait à travers les barreaux avant de s’éloigner vers une rangée à sa gauche. La lettre C, c’est par ici.

Ils virent la naine grimper vers les hauteurs de l’étagère, et elle déchiffra à voix hautes quelques tranches avant de se décaler vers la droite puis sur l’étage d’en dessous.

– Cabaldi, Cacroche… Cagligas… Caissal, Cajondas… Caksul…

– Attend ! s’écria Stëban. Tu as dis quoi ?

– Caksul, répéta Amandrille.

– Non, avant, dit Stëban frénétiquement. Tu as dis Cajondas ?

– Heu, attend, oui, là, Esthër et Pestër Cajondas.

– Ce sont mes parents, dit Stëban dans un souffle. J’ignorais qu’ils avaient écrit un livre.

– Je te le prend aussi, il n’est pas très épais. Et Luclus Calporius est juste là ! On à tout où bien t’as aussi un oncle ou une cousine qui a écrit un truc ?

– Non, c’est bon, répondit Stëban, trop troublé pour saisir le second degré de la question. Filons d’ici.

Il n’avait plus qu’une hâte, qui avait supplanté en un instant son envie de sortir d'ici et même de prouver son innocence au chef de son village : découvrir ce livre, cet héritage inattendu de ses parents.

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Solamades
Posté le 25/02/2025
Salut ! 
J’ai mis un peu de temps à venir lire la suite, mes habitudes sont chamboulées en ce moment, mais j’avais hâte de retrouver cette super équipe ! 
J’ai bien aimé ce passage, les compétences de chacun se mêlent à leurs faiblesses, ils apprennent à fonctionner en équipe.
J’aime la sensibilité d’Ondine, sa façon d’exprimer ses émotions droit dans les yeux et en même temps de faire preuve de pudeur quant à son incapacité à lire. Je me demande quand même un peu où va nous mener tout ça. Il faudra que je revienne un peu en arrière pour vérifier si c’est bien logique que les filles l’aident.
J’ai relevé une coquille :
– Rien à signaler, conclua-t-il. -> conclut-il
Merci pour cette lecture ! <3
ANABarbouille
Posté le 20/02/2025
Hello !
Très belle intrusion ! Amandrille, first girl boss décidément :)

Quelques retours, sur l'ortho ou le fond :

Tout se passa comme Amandrille l’avait décrit. Stëban avait nagé une dizaine de mètres en sous l’eau avant de sentir une des filles tirer sur une des cordes --> "en" en trop ; répétition "une des"

Ils resta donc pendu --> ils, les trois ou il, Steban ?

Après s’être encore caché sous la fenêtre, il pu enfin dégager le morceau de verre, qu’il lança dans le lac sans ménagement, s’attirant des regards désapprobateurs. --> pk ces regards ? et pk il s'en fiche si c'est important pour le bruit ou autre chose ?

– Si les informations que j’ai pu lire sur les nains des profondeurs sont exactes, tu peux voir dans le noir. Tu pourrais nous trouver une lanterne ? --> je me disais justement en début de chapitre, avec la force d'Amandrille, qu'on ignore ce que les peuples savent les uns des autres et comment ils se connaissent ?

Quelques secondes plus tard, sa lanterne projetait une douce lumière jaune auteur d’elle, dans laquelle les trois clandestins du palais se réunirent. --> autour et non auteur (ou juste "sa lanterne projetait une douce lumière jaune dans laquelle les trois clandestins du palais se réunirent")

Ne se décourageant pas, Stëban continuait à lire voir déchiffrer chaque tranche de chaque ouvrage --> pk déchiffrer ? les textes sont en mauvais état ?

qu’il est loin d’ici à l’heure qu’il est ! Qui irait s’introduire ici avec toute la garde de la reine à ses trousses ? --> répétition de "ici"

– Quelqu’un qui en veut aux secrets du royaume peut-être ? Avec tout ce qu’il se passe en ce moment, la reine se montre vigilante, et je la comprends. --> les trois protagonistes ne se posent ensuite aucune question sur ces fameux secrets ? et qui sont ces gardes au courant de ces secrets (il me semble qu'ils doivent avoir un certain grade pour être dans la confidence ?)

Elle se sentait déjà assez inutile comme ça. Les deux autres étaient déjà descendus, --> répétition "déjà"

Ondine qui ne sait pas lire, je me suis demandé si l'équipe n'aurait pas du en parler avant d'être coincé dans une bibliothèque ? mais bonne idée de montrer que l'accès à la lecture n'est pas le même pour tout le monde

Elle ne savait peut-être pas lire, mais elle avait ce pouvoir puissant et mystérieux, sans lequel elle ne serait pas ici aujourd’hui, auprès de ces deux personnes incroyables. --> peut-être à développer, dire en quoi elle les trouve incroyable ; elle a passé par mal de temps avec Amandrille, entre complicité et affrontement, la naine l'a beaucoup aidée, on peut imaginer qu'Ondine la trouve incroyable, mais un peu d'éclaircissement pourrait être sympa j'ai l'impression ; quant à Steban, nous on connait sa bravoure, mais pk Ondine l'admire ? Elle ne le connait que depuis une journée, il a certes montré des qualités, mais pour quelles raisons le trouve-t-elle carrément exceptionnel ?

Autre questionnement, peut-être une inattention de ma part, mais finalement, pourquoi les deux filles suivent cet inconnu dans une bibliothèque protégée ? Qu'attendent-elles de cette aventure risquée ? Peut-être une ou deux phrases qui expliquent leurs attentes pendant qu'iels font leur recherche ?

Cela faisait une éternité qu’ils fouillaient l’immense bibliothèque, et il n’y avait aucun signe du livre qu’il cherchait. --> il cherchait ou ils cherchaient ? peut-être précisé "Steban" s'il s'agit de lui

– Dites, chuchota-t-elle, vous vous rappelez ce qu’on dit les gardes avant de partir ? --> ont dit

– Moi, je refuse de le croire. Je ne suis pas venue jusqu’ici pour perdre plus de temps devant cette jolie vitrine trompeuse. Amandrille s’éloigna vers l’escalier, et cette fois, Stëban lâcha sa tâche pour la rattraper. --> il manque un retour à la ligne

Depuis qu’elle avait mis un pied dans le palais, elle ne cessait de revoir la gueule de Desreum penchée sur elle, sur son corps immobilisé complètement à sa merci. Sa peur était toujours aussi grande, aussi intense, lorsqu’elle y repensait. --> c'est exactement le genre de passage auquel je pensait sur un autre commentaire quand je parlais de sa vue dans le noir, de sa rencontre avec le dragon, etc. ; je trouve que ça donnerait une profondeur en plus à Amandrille de noter de temps en temps ce genre de doute ou crainte (ce serait un peu sa "faiblesse" si on veut)

– Je ne comprend déjà pas pourquoi deux filles comme vous en avez autant fait pour moi, alors qu’on ne se connaissais même pas. Vous avez l’air d’avoir d’autres choses à faire que perdre votre temps avec une cause perdue. Sortons d’ici, et je vous guiderais jusqu’à Magline. --> oui je me posait aussi la question justement ^^et il veut les menait à Magline, elle ne pourrait pas l'innocenter par la même occasion ?

– Ça va peut-être te paraître bizarre, mais j’ai l’impression étrange de te connaître depuis toujours. J’aurais eu envie de t’aider, même si tu ne nous avait pas proposé de nous accompagner ensuite. --> alors moi ça me fait un peu bizarre, je manque peut-être de romantisme XD ou alors mieux décrire son coup de foudre ? Une ou deux interactions qui montreraient une complicité immédiate ? J'aime bien les deux personnages, je trouverais dommage qu'une relation un peu superficiel se développe entre eux alors qu'ils sont super bien faits :)

À la fin pour les parents de Steban, on se dit qu'il y a qqch de louche autour de leur mort, mais je me rappelle plus si y a des souvenirs de Steban ou il les voit écrire par ex ou travailler tard le soir (un peu du foreshadowing) --> commentaire peut-être inutile et dépendant de ma mémoire ^^ Et aussi j'avais oublié son nom de famille, si y peut-être moyen de marteler son nom qq fois avant la découverte du livre (à nouveau, avec cette lecture en différé, c'est peut-être juste ma mémoire)

Conclusion: on avance des les mystèèèèèères et y a bel et bien des choses suspectes autour de ce royaume on veut savoir ! :)

PS: j'aime toujours autant quand Amandrille clash les gens haha
Phémie
Posté le 22/02/2025
Merci pour ce retour, riches en interrogations. Je n'ai pas réfléchi à tout ce que tu soulèves, mais ce sera l'occasion !

Ce que je sais :
- Ondine avait trop honte et trop peur d'être exclue de la mission pour avouer qu'elle ne savait pas lire
- Les peuples ont quelques informations les uns sur les autres, mais surtout beaucoup de préjugés. Stëban est un peu mieux renseigné que les autres car il passe la moitié de sa vie dans les archives à lire pleins de vieux bouquins.
- J'aime pas non plus les relations superficielles ;)
ANABarbouille
Posté le 24/02/2025
Ok je saisis un peu mieux la vision inter-peuple !
Et tes perso sont trop chouki et tes relations bien définies pour que j'aie pu penser que tu aimais les relations superficielles :)
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