Chapitre 31

Par Mimi

 

-        Je n’imaginais pas que ce serait une estrade aussi grande ! confia Isabeau, impressionnée.

Bertille se força à sourire. Les deux filles étaient attablées devant leur goûter, dans la cuisine, et observaient l’avancée du chantier dans la cour par la fenêtre.

Elles n’avaient pas reparlé du contenu de la boîte, ni même du départ d’Isabeau à la fin de l’année scolaire. Il y avait depuis un petit flottement, comme si chacune d’elles savait exactement à quoi pensait l’autre, sans réussir pour autant à l’exprimer oralement.

Isabeau dépiautait son morceau de pain sur la table et semblait totalement absorbée par cette activité. Bertille ramassait ses propres miettes du plat de la main.

-        On n’a plus que deux semaines, remarqua Isabeau.

Elle désigna d’un signe de tête la cour de récréation où l’échafaudage montait de jour en jour.

-        On a encore deux semaines, corrigea Bertille. Tu sais, ça n’a pas à être parfait, ce n’est qu’une fête d’école. Et les autres ne sont pas très motivés.

Isabeau mangea méthodiquement chacune des miettes qu’elle avait faites en réduisant son pain en charpie.

-        Tu sais comment va madame Vermoncourt ? demanda-t-elle entre deux bouchées.

-        Je n’y suis pas retournée depuis la dernière fois. Elle avait l’air un peu bizarre à cause du… départ de monsieur Vermoncourt.

Isabeau tressaillit à la mention de ce mot qu’elles évitaient depuis deux semaines.

-        Ça serait bien qu’on aille la voir un de ces jours, dit Bertille à tout hasard.

Elle ne releva pas la réaction d’Isabeau, mais elle lui en voulait un peu de ne pas vouloir lui en parler davantage. Elle se leva sans un mot et débarrassa la table. Alors qu’elle faisait la vaisselle dans l’évier, Isabeau lui demanda :

-        Tu as parlé à ton père de…

-        Non.

-        Ah.

Bertille avait répondu d’instinct. Elle n’avait pas voulu répondre aussi sèchement. C’était encore trop récent pour qu’elle en parle sans avoir envie de pleurer.

Pourtant, Isabeau ne se démonta pas :

-        Je trouve ça beau, ce que ta maman t’a laissé. Elle savait que tu étais suffisamment intelligente pour trouver la clé par toi-même, et tous ces messages, c’est…magnifique.

-        Je n’ai pas trouvé toute seule, remarqua Bertille qui évitait de se retourner pour ne pas montrer qu’elle pleurait déjà.

       Alors Isabeau se leva :

-        Bien sûr que si. Tu m’as tout expliqué et tu avais raison, c’est moi qui n’ai pas voulu te croire.

-        Mmmmh…

-        Ta mère serait très fière de toi. Je suis sûre que c’est pour ça qu’elle t’a laissé tous ces petits messages, pour te dire qu’elle t’aimait très fort et…

Isabeau se pinça les lèvres.

-        J’aurais bien aimé que mon papa fasse la même chose pour moi.

       Bertille se tourna vers elle. Elle avait oublié qu’Isabeau comprenait très bien ce qui lui arrivait. Elle sortit la main de l’eau chaude et attrapa celle de son amie, sans bien comprendre pourquoi elle faisait ça.

C’est ce moment que choisit Jimmy pour frapper au carreau de la porte.

-        Le grand portail de l’école n’est pas fermé de l’intérieur, se justifia-t-il.

-        C’est pour les ouvriers qui installent l’estrade pour la kermesse, expliqua Bertille en reprenant la vaisselle.

-        Tu vas bien Jimmy ? demanda Isabeau d’une voix étrangement cassée.

Jimmy acquiesça.

-        Bon, on y va ? s’impatienta-t-il. Il paraît qu’il y a un truc bizarre qui se passe dans les cachots du château.

Bertille et Isabeau se figèrent. Elles échangèrent un regard et pressèrent Jimmy de leur en apprendre davantage.

Content de son petit effet, Jimmy poursuivit :

-        C’est pour ça que je vous ai proposé d’y aller. Je voulais vous expliquer tout ça en route, mais vu que vous n’aviez pas l’air pressées… Il y a des bruits de chaînes qui viennent des cachots. Comme s’il y avait encore un prisonnier.

-        C’est Faustine qui l’a entendu ? s’enquit Bertille en courant dans le couloir pour récupérer ses chaussures.

-        Qui d’autre ?! s’exclama Jimmy. Cette folle avait la fenêtre ouverte hier soir et elle a entendu ce bruit bizarre. Elle a dit que le fantôme revenait, mais je savais que c’était pas vrai, puisque monsieur Vermoncourt est parti. Alors je suis allé sur l’île et j’ai entendu le bruit qui venait des cachots.

 

 

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Fannie
Posté le 11/03/2020
On ressent cette impression de vide qui suit la découverte de la clé de la boîte, ainsi que de son contenu, et qui précède la fin de l’année scolaire, donc le départ d’Isabeau. Elles n’ont plus de temps pour des projets communs et elles n’arrivent pas vraiment à exprimer les émotions qu’elles partagent. D’ailleurs, cela en vaut-il la peine puisqu’elles seront bientôt séparées ? (Personnellement, je pense que oui, mais je comprendrais qu’elles en doutent.)
Quelques remarques :
— et observaient l’avancée du chantier dans la cour par la fenêtre. [Je propose : « et observaient par la fenêtre l’avancée du chantier dans la cour »]
— mais elle lui en voulait un peu de ne pas vouloir lui en parler davantage. [Pour éviter la répétition du verbe « vouloir », je propose « mais elle lui en voulait un peu de ne pas lui en parler davantage » ou « mais elle lui en voulait un peu de se refuser à lui en parler davantage ».]
— Le grand portail de l’école n’est pas fermé de l’intérieur, se justifia-t-il [« se justifia-t-il » est une de ces incises que je trouve contestables ; je propose « expliqua-t-il » ou « fit-il pour se justifier ».]
— Tu vas bien Jimmy ? demanda Isabeau [Virgule avant « Jimmy ».]
— Bon, on y va ? s’impatienta-t-il [Je suggère : « proposa-t-il, impatient » ou « proposa-t-il avec impatience ».]
— Content de son petit effet, Jimmy poursuivit [Je ne passerais pas à la ligne pour cette phrase. Comme il y a déjà « Jimmy » juste avant, je propose : « Content de son petit effet, ce dernier poursuivit ».]
Mimi
Posté le 12/03/2020
Je ne pense pas que les enfants aient les mêmes préoccupations que nous (malgré la maturité que peuvent avoir Isabeau et Bertille), ni la même notion du temps. En fait j'avais envisagé une suite, dans laquelle elles mèneraient une enquête par correspondance interposée.
En tout cas grand merci pour tout le temps que tu as pris à commenter !
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