Chapitre 4

Notes de l’auteur : Une vérité enfin dévoilée...

Les journées du jeune homme se ressemblaient toutes : ponction, vénération de la Mère Planète, ponction, cours, ponction, espace d’alimentation, course, ponction.

Cela faisait maintenant quelques jours qu’il avait atteint le niveau 2, c’est-à-dire, les gens quasiment respectables. Encore un niveau et on lui assignerait un métier, un autre niveau encore et une fois par mois, on lui choisirait une reproductrice. C’était cela la cité, tout était régenté, les sentiments et l’esprit critique étaient les ennemies de l’ordre et devaient disparaître. Parfois, Thomas se remémorait son ancienne vie puis il regardait autour de lui et soupirait, cela avait-il même vraiment existé ?

Soudain, la porte de son espace particulier s’ouvrit pour laisser apparaître Isidore, plus calme et propre que la première fois qu’ils s’étaient vus.

— Reconnaissance éternelle et dévotion, Tanneguy.

— Reconnaissance éternelle et dévotion, Isidore, répondit Thomas, méfiant.

— Maintenant que nous sommes au niveau deux, nous pouvons contribuer à l’énergie collective en nous regroupant dans l’espace physique. Acceptes-tu Tanneguy ?

— Tu veux dire courir en salle, n’est-ce pas ?

Isidore ne répondit rien et pendant une seconde Thomas se dit que l’endoctrinement avait fonctionné sur lui.

— Je te suis Isidore, lâcha enfin le jeune homme.

— On m’a dit que tes ponctions sont régulières et abondantes, est-ce vrai ?

— Trop. Je ne sens plus mes veines, pourquoi autant de test, je te le demande !

Les deux hommes entrèrent dans un couloir qui allait les mener vers l’espace physique, à quelques mètres.

— Oserais-tu remettre en cause les décisions des anciens ? demanda Isidore l’air offusqué.

— Non je n’oserai pas, reconnaissance éternelle et dévotion, répondit-il.

— Et ben … T’as tors baltringue, lui murmura Isi, en le poussant dans un coin.

— Putain, mais tu joues à quoi ? demanda Thomas, ça fait des semaines que j’attends !

— Les ponctions qu’on te fait, c’est pas pour ta santé.

— C’est pour quoi ?

— Les anciens. Enfin… Un en particulier.

— Soit plus précis, intima Thomas.

— Écoute, l’illusion, ça n’existe pas. Ils t’ont fait venir grâce… Il hésita...À une machine à remonter le temps et ceci dans un but précis. Prépare-toi à partir, d’après mes infos, ça risque de devenir moche pour toi et pour tout le monde par la même occasion. On te renvoie ce soir. Il y a un orage de prévu.

— Une machine à remonter le temps maintenant. Chui en train de devenir fou, c’est ça ? Je suis dans un délire hallucinatoire à l’hôpital en fait…

— Thomas, c’est sérieux, ce soir je viens te cherch…

Isi ne put finir sa phrase, L’Hermite venait d’entrer dans le couloir, toujours entouré de ses gardes.

— Le voilà ! Les rassemblements sont interdits, séparez-vous tout de suite. J’ai à vous parler Tanneguy, lança-t-il sur un ton autoritaire, laissez-nous Isidore.

Ce dernier s’exécuta tout en faisant un signe de tête à Thomas.

— Par ici Tanneguy, j’ai quelqu’un à vous présenter. Quelqu’un qui est fier de vos progrès.

Ensemble ils montèrent plusieurs étages jusqu’à ce que L’Hermite lui fasse signe d’entrer dans un couloir puis une petite pièce médicalisée. Thomas prit peur et tenta par réflexe de faire demi-tour, c’est alors que les gardes se jetèrent sur lui et le plaquèrent sur la table d’examen au centre de la pièce avant de l’y attacher. Pour s’assurer de son silence, ils lui mirent également un bâillon. Puis, L’Hermite actionna l’élévation de cette table, jusqu’à ce qu’il soit à la perpendiculaire. Pendant ce temps, Thomas se débattait autant qu’il le pouvait, en vain.

— Calmez-vous Tanneguy, la personne qui s’apprête à entrer est l’une des plus puissantes du monde. Un ancien. Vous rendez-vous compte du privilège qu’il vous fait ?

Ces paroles ne calmaient pas Thomas qui gesticulait et hurlait à travers son bâillon. Soudain, un homme entra, seul. Il était ridé, voir fripé, impossible de lui donner d’âge. Tous baissèrent la tête devant lui et se retirèrent de la pièce sans un mot. Son entrée ne calma pas pour autant le jeune homme.

— Tu vois, c’était l’idée de L’Hermite de changer ton prénom, il pensait que ça contribuerait à maintenir ta mémoire dans le flou et te fixer une nouvelle personnalité. J’y ai presque cru, mais maintenant, ça n’a plus aucune importance.

Thomas grommela.

— Tu te demande ce qu’on fait ici et qui je suis, bien sûr. Vu ce que je te réserve, tu as le droit de savoir. Vois-tu, il y a très longtemps de cela, quand j’étais encore enfant, mon frère, que je vénérais, est mort. Apparemment, il avait perdu trop de sang et les transfusions reçues ne furent pas suffisantes. Ce jour-là, je m’étais juré de trouver une solution et je fis de brillantes études, puis de la recherche. Je fis alors une découverte des plus étonnantes, et même, je peux le dire maintenant, révolutionnaire. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais disons qu’après un procédé de purification, une injection de sang permet de ralentir le vieillissement des organes. Bon, j’avoue, les expériences que j’ai pu mener pendant la 3ème guerre ont été cruciales. C’est comme cela que c’est crée notre groupe. Des chercheurs comme moi, mais aussi des architectes, des ingénieurs… Nous sommes vingt au total. L’idée de la plate-forme est venue durant la 4ème guerre, le chaos sur la terre ferme nous a permis de soudoyer pas mal de monde et puis, la perspective de l’immortalité aussi. Tu serais étonné de savoir ce qu’étaient prêt à faire les grands du monde pour être immortels. Tu te doutes bien qu’ils ne l’ont jamais eu, pas dignes. Ça nous a demandé des efforts, mais finalement,dans un contexte de peur et de méfiance, il n’a pas été difficile de trouver la doctrine qui nous permettrait de garder les personnes choisies sous notre coupe. La protection de l’environnement pour préserver les ressources. Le contrôle des populations pour leur propre bien. Quelle idée géniale...et pratique… car, oui, tu l’as peut être déjà compris Thomas, la terre ferme n’est pas aussi polluée qu’on ne l’a dit, mais ça… Chut …, sourit l’ancien.

Il prit une chaise, s’assit et regarda un instant le jeune homme, songeur, avant de reprendre :

— Tu te demande pourquoi toi, n’est-ce pas? Et bien tout simplement pour vérifier une théorie. Vois-tu, le sang modifié, appelons-le ainsi, permet de rajeunir les organes, mais soignons honnêtes, regarde moi, il est vrai que j’approche des 178 ans, mais tout de même, ca n’est pas ragoutant. Alors, je me suis dit, que se passerait-il si je m’injectais du sang de ma parenté directe? Le problème c’est que le ralentissement du vieillissement ne c’est pas fait sans effets secondaires et malheureusement je n’ai jamais pu avoir de descendance. Par contre, j’ai eu des parents et un frère… Il y a longtemps.

L’ancien sorti alors une petite tablette de son pantalon de lin sur laquelle s’affichait une photo qu’il présenta au jeune homme.

— Tu vois le lien là ? lui demanda-t-il avec un sourire sadique aux lèvres.

Sur le cliché, Thomas reconnut immédiatement ses parents, lui-même et son petit frère, Raphaël. Il hurla à nouveau et tenta de se libérer ce qui fit beaucoup rire l’ancien.

— Et oui, qui de mieux que mon grand frère, Thomas, pour cette expérience ? D’ailleurs ; c’est amusant car c’est ta mort qui m’a conduit à toutes ces recherches, hors, ce sont les hommes que j’ai envoyé dans cette ruelle qui l’ont provoqué. Ah oui, parce que pour faire voyager quelqu’un dans le futur, il faut que son corps soit au bord de la mort. L’inverse n’est pas vrai, à propos. Enfin bref, toujours est-il que ton sang est magique et si tu me trouves rabougris maintenant, je peux t’assurer que c’était pire avant. Tu me fais rajeunir et il est hors de question que je prenne le risque de te perdre dans la cité. Donc, tu vas rester attaché là, mais ne t’en fais pas, on va t’anesthésier pour que tu ne sois plus jamais conscient de rien.

Encore une fois, Thomas gesticula sur la table et essaya de parler, sans résultat.

— Tu sais que certains osent dire que ce traitement au sang nous fait devenir insensibles, immorales, voir fous.

Un énorme bruit résonna soudainement, l’ancien se leva alors d’un bond.

— Ton pacificateur m’a dit que les voiles t’avaient captivé. Et bien figure toi qu’à interval réguliers nous avons aussi placé des pilonnes qui sortent de l’océan à chaque orage pour littéralement attirer la foudre. Ils en captent l’énergie et la restituent dans la cité pour nos équipement. Ce bruit sourd, ce sont les pilonnes qui jaillissent des mers ! Ils redescendent ensuite sous l’eau, sur leur base pour décharger l’énergie accumulée.

C’est d’ailleurs grâce à cela que la machine que tu vas voir est alimentée. Ironique, lâcha l’ancien en sortant.

Tout à coup, une machine s’articula au-dessus de Thomas. Lorsqu’il leva les yeux, il vit deux aiguilles s’approcher de lui et dès qu’elles le piquèrent, il perdit connaissance.

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