Le groupe venait de pénétrer dans la forêt. Le cerf comme les autres animaux ne montrait aucun signe de vie. La flore, elle, tapissait le paysage à perte de vue. Les arbres gardaient leurs feuilles avec avidité et le sol brun, dépourvu de ces dernières, se contentait de ses champignons. Le ciel tentait tant bien que mal de se glisser parmi eux. Silencieuse, la forêt paraissait coupée du reste du monde.
– Alors.. On est supposé faire quoi maintenant ? On attend qu’un animal se ramène et on lui demande gentiment si je peux lui monter dessus ?
— Pour être honnête. Je ne sais pas.
Elena et Ethan s’échangèrent un regard interrogateur.
— Mais, vous les avez eus comment vos canassons ?
— Il fut un temps ou cette forêt était le lieu d’une cérémonie importante où les enfants arrivés à maturité se réunissaient pour participer à une épreuve après laquelle les elfes leur offraient un gardien, lié à eux à vie. Cependant, après la maîtrise du flux, des systèmes de téléportation ont été conçus, ainsi que des montures mécaniques pour les soldats. Plus personne n’est venu ici depuis bien longtemps et les elfes ont disparu.
— Pourquoi on doit faire le voyage à pied si on peut se téléporter ? demanda Elena.
— Elles sont construites dans les capitaux de chaque territoire et ne servent qu’à se déplacer entre eux. Mais lorsqu’Algaesias a pris le pouvoir à Edenia, il a anéanti toutes les portes de téléportation.
— Attends, qu’est-ce que tu viens de dire ?
Ethan passa devant Métheùs et Alya, les empêchant d’avancer plus.
— Tu avais oublié ce détail, je crois. Je sais que vous pensez que c’est moi qui dois le « détruire », mais là clairement, je ne suis pas prêt. Vous ne nous aviez pas dit que vous nous emmeniez dans la gueule du loup.
— Algaesias a pris le pouvoir, ça ne veut pas dire qu’Edenia toutes entière est avec lui. Nous avons des alliés là-bas, et ils t’attendent, tenta de le rassurer Métheùs.
— Ils sont persuadés que tu retrouveras le trône. Mais il est évident que tu en es incapable pour le moment. Fais bonne figure, ne leur fais pas perdre espoir et les grands s’occuperont de tout pendant que tu restes derrière.
Cette fille et son air supérieur commençaient sérieusement à mettre Ethan hors de lui. Il essayait tant bien que mal de se contenir, mais il sentait cette rage en lui prête à exploser. Elena qui avait remarqué les poings serrés de son ami le rejoignit et lui prit la main, décontractant aussitôt ses doigts. « Moi je crois en toi », lui murmura-t-elle à l’oreille. Alya dut l’entendre, car elle leva les yeux au ciel. Mais Ethan l’ignora. Elena connaissait les gestes et les mots, elle avait ce pouvoir apaisant sur lui.
— Bon. On va les chercher ces elfes ? demanda-t-elle.
Le groupe reprit la procession calmement et les chevaux allégeaient leur pas, respectant la tranquillité de la forêt, comme s’ils traversaient un lieu sacré. Ils s’enfonçaient toujours plus, sans trouver aucune trace d’être vivant. On pouvait deviner des animaux qui apparaissaient peu à peu avant de rebrousser chemin en voyant les nouveaux venus. Ethan et Elena marchaient côte à côte, derrière Alya et Métheùs. Il arrivait que ce dernier s’approche d’un arbre et y pose sa main en fermant les yeux, tentant de se concentrer sur on ne sait quoi. Les deux amis s’échangeaient des regards curieux, mais Alya n’avait pas l’air de trouver ça étrange, elle attendait son verdict : « Ce n’est pas ici, continuons ». Ils marchaient depuis un bon moment maintenant, plusieurs heures d’Ignis d’après le ressentit d’Ethan et toujours aucune trace de ces elfes. Métheùs semblait perdu. Ils n’existaient peut-être pas.
— Écoutez, je veux ne pas paraître chiant, mais..
Métheùs le coupa d’un signe de la main. Devant eux, un arbre leur bloquait le chemin. Rien ne le différenciait des autres : même couleur, mêmes feuilles, même taille. Pourtant, le conteur se stoppa et l’analysa un long instant avant de lever le regard vers un écureuil immobile sur une branche qui les fixait avec intérêt.
— Sapias est ici.
L’animal sauta immédiatement de son perchoir pour rejoindre l’épaule d’Ethan, dévalant sur son torse, derrière son dos, sur ses jambes, ses bras avant de s’arrêter brusquement devant ses yeux. Les observant attentivement pendant un petit moment, puis s’éloigna et disparaître parmi la cime des arbres. Dans bruit de craquelage, l’écorce commença à s’écarter lentement, découvrant un passage au pied, assez large pour s’y faufiler. Métheùs fut le premier à s’y engouffrer, suivit de près par Alya, abandonnant leurs chevaux qui firent demi-tour, les sacs de fruits attachés à la croupe.
— Je suis vraiment pas chaud pour m’immerger la tête la première dans un tronc d’arbre. Avoua Ethan à son amie.
— En temps normal, je serais sûrement d’accord avec toi.
— En temps normal ?
— Si c’est pour trouver Legolas, je me jette où ils veulent. Courage petit loup !
Elena plongea à son tour dans la crevasse. Ethan soupira avant de lui emboîter le pas non sans une certaine crainte. Ici, pas de chute libre au ralenti comme Alice, mais un étroit couloir sombre de quelques mètres qui l’obligeait à ramper, à peine éclairé par la lumière extérieure, de plus en plus intense à mesure qu’il s’en approchait. Légèrement aveuglé, il plissa les paupières jusqu’à ce qu’il puisse les rouvrir complètement. De l’autre côté, Métheùs et Alya l’attendaient près d’Elena qui lui tendit la main pour l’aider à s’extirper du tronc et à se relever. Le panorama alentour fut la première chose qu’il vit. Les arbres arboraient un feuillage jaune doré. Contrairement au paysage précédent, de nombreuses fleurs parcouraient le sol et un magnifique tapis d’herbe bleue remplaçait la terre. C’est seulement quelques secondes après que les flèches pointées dans leur direction attirèrent son regard. Une dizaine d’arcs bandés, maintenus par de jeunes femmes les menaçaient. Leur modeste taille, un peu plus petite qu’Elena, ne les rendait pas moins impressionnantes. Leurs courtes chevelures dégageaient leurs oreilles pointues. Leurs tenues semblaient créées à partir de la nature elle-même. Leurs yeux vairons marqués d’un épais trait rouge qui s’étirait jusqu’aux oreilles ne les lâchaient pas d’un clignement de paupière. Métheùs fit un pas en avant qui lui coûta une mèche de cheveux, arraché par une flèche sifflante. Alya fit apparaître son arme dans sa main, mais le son distinct d’une corde se tendant, juste au-dessus d’eux, la força à la dissiper aussitôt.
— Tu n’es pas le bien venu, intervint une des femmes.
— Je suis ici pour le prince.
— Il entrera seul. Ta présence nous met tous en dangers.
Ethan observa attentivement la scène ; leur corps, leurs armes, leurs regards. Elles se concentraient toutes sur Métheùs et uniquement lui. Une goutte de sueur glissait sur le visage de l’une d’entre elles, une autre travaillait sa respiration et un des arcs bandés tremblait au rythme de la propriétaire. Métheùs leur inspirait de la peur. L’attention d’Elena ne trompait pas, elle en arrivait à la même conclusion que lui.
— Laissez-le passer.
La voix venait de derrière la troupe armée qui s’écarta pour accueillir une femme un peu plus grande, d’une beauté sans pareil. Habillée d’une robe verte, parsemée de fleur écarlate et bleu, elle avait également une marque pourpre sur son visage et une couronne de laurier était posée sur sa chevelure tressée qui tombait jusqu’à ses fesses.
—Nevus. Content de te revoir.
— Plaisir non partagé.
— Toujours aussi douce.
Elle dévisagea avec attention chacun d’entre eux, plongeant plus longuement dans le regard d’Ethan qui rougit.
— Suivez-moi.
Le groupe obtempéra et suivit les pas de celle qui semblait être la chef de ces jeunes femmes, ou plutôt des « elfes ». Cependant, elles ne ressemblaient en rien à ceux qu’ils connaissaient. Pour commencer, il n’y avait aucun homme, en tout cas, elle n’en avait pas vu parmi eux et certaines caractéristiques comme la taille, les longs cheveux et l’air sage différaient. Tout au contraire, leurs regards leur donnaient un aspect sauvage. Leurs traces rouges accentuaient le côté guerrière qu’elles dégageaient. Malgré tout, elles avaient toute leur propre identité. Quelque chose d’autre interpelait Elena, elles possédaient toutes un œil violet. Au moins, elles gardaient toutes un arc, les elfes restaient donc des archères, même dans ce monde. Mais il fallait se rendre à l’évidence, Legolas ne serait pas au rendez-vous. Elle expira lourdement en y pensant, ce qui lui valut un regard interrogateur d’Ethan qu’elle ne releva pas.
Nevus s’arrêta après quelques centaines de pas. L’elfe s’approcha du groupe et passa sa main devant chacun d’eux. Au fur et à mesure, leur expression changeait. La curiosité se transformait en ébahissement. Tout autour d’eux, une cité entière venait de naître. Les immenses arbres devinrent des habitations. Un seul tronc pouvait contenir jusqu’à trois habitats, creusé à même l’arbre. D’autres vivaient dans des sphères boisées maintenues sur les branches. Des ponts en bois et lianes reliaient quelques arbres habités, chacun pouvait se déplacer en hauteur sans jamais toucher le sol. Les elfes fourmillaient parmi la flore et la faune qui paraissait vivre en harmonie avec eux. Tandis que certains groupes discutaient devant leur maison, d’autres cueillaient des fleurs, jouaient de la musique, s’occupaient des animaux comme les cerfs, les biches, mais également des loups. Des enfants gambadaient, trébuchaient, grimpaient aux arbres avec une facilité déconcertante. Plus loin, au centre, tous les ponts se rejoignaient vers le même monument. Un large tronc, supportant six arbres qui semblait protéger une lueur ambre. Ils empruntèrent un escalier en colimaçon qui y menait. Au milieu des six défenseurs de bois, à plusieurs mètres de haut, une espèce de flamme jaune lévitait. Plus haut, des petites brides bleu turquoise se faufilaient entre les feuilles.
— Prenez place.
Après hésitation, chacun imita Métheùs et s’installa en tailleur sur des morceaux de tissu blanc qui formait un cercle sur le sol, Nevus fit de même, face au conteur. Elle observa chaque membre du groupe avec attention. Ces derniers osaient à peine lui rendre la pareille, outre Alya qui la fixait intensément, ce qui valut un sourire de l’elfe.
— Qui es-tu ? interrogea-t-elle.
— Il est..
Un seul regard de l’elfe suffit à imposer le silence à Métheùs. Puis elle se tourna de nouveau vers Ethan.
— Je.. Je suis Sapias.
— Ce n’est pas ce que j’ai demandé.
Dérouté, Ethan chercha de l’aide auprès de Métheùs et d’Elena.
— C’est à toi que je pose cette question. Si tu es incapable de faire des choix par toi même alors tu n’es certainement pas celui que nous attendons, tu peux repartir d’où tu viens.
Pendant quelques minutes, un silence pesant envahit le groupe. Ethan prit le temps de réfléchir à ses prochaines paroles. La dernière phrase de l’elfe lui faisait mal. Pourtant, n’était-ce pas ce qu’il voulait ? Retourner chez lui ? Chez lui.. Était-ce seulement encore chez lui. Il ne connaissait pas sa propre histoire. Elena semblait se plaire dans ce Nouveau Monde. Et puis il y avait la façon dont il avait tué l’assassin de ses parents, la véritable identité de sa mère.. Il devait obtenir des réponses.
— Je ne sais pas qui je suis.
Surpris par la réponse, Elena et Métheùs regardèrent Ethan avec empathie. Même Alya baissa les yeux pour la première fois depuis leur rencontre. Nevus, quant à elle, paraissait satisfaite.
— Crois-tu être Sapias ?
— Je..
— Penses-tu être non seulement un prince, mais également la création la plus puissante de Caelis destiné à se lever contre Algaesias ? Eden est un monde immense ou de nombreuses races vivent, des races anéanties, en fuite, qui se cachent, qui ont peur. Tous leurs espoirs portent sur ce prince, élu de Caelis, censé détruire le mal et les libérer. Es-tu être digne de ce poids ?
— Non. Je n’en suis pas digne. Je ne suis qu’un homme parmi tant d’autres. Je n’ai rien d’exceptionnel si ce n’est ce pouvoir que je n’ai pas demandé. J’ai peur, ce monstre me terrifie et j’ai envie de rentrer chez moi. Mais il n’y a plus rien pour moi là-bas. Il m’a tout pris. Une partie de moi réclame la vengeance. Peu importe si je suis celui que vous cherchez ou non. Peu importe que vous m’acceptiez ou non, je vais trouver des réponses à mes questions. Et si cet Algaesias est celui qui a tué mes parents, si j’ai le pouvoir de le punir, peu importe qui je suis, je le ferais.
— Ethan !! intervint Elena.
Le ton de son ami changeait durant son discours. Passant de la voix tremblante à agressif, presque effrayante.
— Désolé.. Je ne sais pas ce qui m’a pris.
— Retirez-vous, finit par ordonner Nevus en fermant les yeux.
D’abord étonné, le groupe se releva et se dirigea vers la sortie.
— Pas toi, Ethan.
— Écoute Nevus, on va juste repartir, on se débrouillera, intervint Métheùs.
– Ce n’est pas de ton ressort « faucheur ».
Pour la première fois depuis le début de leur aventure, Ethan et Elena virent l’homme sans voix baisser la tête et quitter la pièce sans dire un mot. « Faucheur », pourquoi l’appeler comme ça ? Même Alya semblait surprise. Elena resta quelques secondes de plus que les autres, fixant son ami qui venait de se remettre en tailleur, le regard perdu. Puis elle sortit à son tour, inquiète, le cœur lourd. Le prince imita son hôte et ferma les yeux. Il prit le temps de contrôler sa respiration. D’écouter les alentours. Une chose bizarre se passait. Ils pouvaient entendre les enfants rire et les animaux gambader, les elfes discuter de leur méfiance envers lui : un prince qui ne savait rien de son propre monde, une créature de Caelis ne maitrisant pas ses pouvoirs. Un sauveur, s’étant perdu. Comment pourrait-il même affronter Algaesias ? Ils avaient raison. Non, c’est faux. Comment ne pouvait-il pas avoir le bénéfice du doute ? Qui étaient-ils pour le juger sans même le connaître ? Sans même lui donner une chance ? Soudain, un bruit sourd retentit dans toute la forêt, faisant trembler la terre. Il se releva, Nevus absente, il se précipita vers la sortie et descendit les escaliers pour rejoindre Elena et les autres. Des corps gisaient sur le sol, rougeoyant. Les animaux fuyaient, Nevus massacrait ses ennemis. Ils ressemblaient presque à des zombies, mais en plus rapide et plus réfléchis, luttant avec deux épées. Alya affrontait d’égal à égal ce qui semblait être un Sicario. Leur duel était illisible pour lui, c’était quasiment impossible de les suivre. Leurs armes bleutées s’entrechoquaient au rythme de leur « saut ». Ils disparaissaient et réapparaissaient. Il fallait qu’il trouve Elena. Métheùs, quant à lui, bataillait contre une bête, une wyverne qui venait de lui fonçait dessus. C’était un guerrier expérimenté, il avait une immense épée bâtarde. Malgré le poids, il parvenait à grimper sur le monstre pour lui enfoncer la lame dans le crâne. Derrière les combats, les cris et le sang, une silhouette encapuchonnée s’approchait d’une fille aux cheveux rouge, à genou, en pleure.
— Elena !! Hurla-t-il
Il se mit à courir, mais ses jambes ne suivaient pas, il trébucha. L’homme tendit la main et une espèce de lien noir sortie de son bras pour s’enfoncer dans l’abdomen d’Elena. Du sang jaillit de sa bouche, elle s’effondra sur le sol. Il se précipita sur le corps inanimé de son amie, se jetant près d’elle. Alya et Métheùs baissèrent leur garde et se firent surprendre par un coup mortel de leurs ennemis. Non non, ça ne pouvait pas finir comme ça, pas aussi facilement, si rapidement. Ethan se releva, hors de lui, le visage grave, les mains tremblantes, les lèvres crispées, il leva les bras, ordonnant aux racines des arbres profondément enfouis de s’élever dans un bruit assourdissant, déchirant la terre et la flore, se mouvant aux commandes de ses mains. Puis elles s’immobilisèrent. Un geste vers l’avant les incita à fendre l’air, traversant le corps de leurs cibles. Les créatures tombèrent une par une. Il ne restait qu’Algaesias qui les stoppa facilement. Il disparut subitement, laissant un rideau de fumé noir. « Impressionnant, mais pas suffisant », sifflota le démon aux oreilles du prince.
— Qui es-tu ?
– Je suis le véritable « monstre » qu’ils veulent que tu affrontes.
— Je ne comprends pas..
— Ce que tu vois n’est pas réel. Le feu d’Eos te teste afin de lire quels sont tes pouvoirs, tes désirs, tes peurs. Nevus est la seule capable d’apercevoir et ressentir ce que tu fais ici.
— Alors, tous ces morts, le sang.. Sanglota Ethan.
— Tout est faux. Tes amis sont vivants. Actuellement, Nevus ne sait pas ce qu’il se passe. Elle t’a « perdu ». Mais je n’ai pas beaucoup de temps.
— Tu es venu m’éliminer.
— Nous sommes dans un monde inexistant, immatériel, je ne pourrais te tuer ici même si je le désirais. Mais ce n’est pas mon intention. Je souhaite te donner un choix. Celui de me rejoindre..
— Tu dois être complètement taré pour vouloir que je m’associe à toi après tout ce que tu as fait !
Sa voix venait de se hausser, il criait presque.
— Tu ne connais rien de ce que j’ai fait. Tu sais juste que tu dois me détruire. Et pourquoi ? Parce qu’un stupide arbre l’a décidé.
— Tu as envoyé cet homme abattre mes parents !
Cette fois, il hurlait.
— Sa seule mission était de te récupérer. Son erreur m’a coûté et je l’ai tué pour ça. J’ai donné une nouvelle chance à Niriel. Elle est avec moi en ce moment, à mes côtés.
Ethan resta bouche bée, essayant de digérer ces informations : sa mère morte devant lui vivait, mais elle travaillait avec ce monstre ? Non, il mentait.
— Tes doutes sont logiques, devina Algaesias. C’est pourquoi je te laisse l’opportunité de la voir.
— Comment ?
— Tu le sauras en temps voulu. Ne sois pas le pantin de Caelis. Elle n’est pas aussi bonne que ces stupides crétins le pensent.
Algaesias se dissipa. Les corps sans vie des victimes et des monstres disparurent également, jusqu’au paysage lui-même.
« Ethan ? »
Il ouvrit les yeux, face à Nevus. La lumière d’Eos éclairait les traits de son visage. Il se releva et respira tranquillement pour rependre ses esprits. Il venait de voir tous ces gens nourrir, il avait laissé Elena se faire tuer, sans rien pouvoir faire, il n’avait même pas pu la sauver.
— Ethan, j’ai besoin de savoir ce qu’il s’est passé.
— Vous m’avez trompé. J’ai regardé tout le monde se faisait massacrer !
— C’est une éventualité que tu dois envisager.
— Quoi ?
— Qu’est-il arrivé ? Il m’était impossible de t’observer pendant un petit moment.
Il se releva et la contourna, pris le temps de réfléchir avant de finalement avouer :
— Algaesias. Il était présent.
— Oui, ça faisait partie du test.
— Non. Il était réellement là.
— Comment.. S’étonna Nevus. Que t’a-t-il dit ?
— Que ma mère est toujours en vie. Mais je l’ai vue mourir de mes propres yeux.
Il omit volontairement ce qui concernait Caelis. Bien qu’Algaesias ne méritait pas sa confiance, ce n’était pas plus le cas de cet « être » si mystérieux à ses yeux.
— Niriel n’est plus.. ?
— Vous connaissiez ma mère ?
— Comment c’est arrivé ?
Ethan prit un temps avant de répondre, agacé par cette esquive de sa propre question. Mais il céda :
— Elle a été tuée par un des Sicario venus chez moi, à Ignis. Elle s’est sacrifiée pour me protéger.
Prononcer cette phrase lui fit autant de mal que d’y repenser. Il se rendait compte qu’il n’avait jamais réellement connu sa mère et qu’il ne pourrait jamais plus avoir la chance de réparer ça. Au fond de lui, il espérait qu’Algaesias ait dit la vérité. Un tout nouveau monde s’ouvrait à lui depuis peu : des assassins se téléportaient et utilisaient des armes qui apparaissaient dans leur main. D’autres possédaient des capacités qu’il ne voyait que dans les films de fantasy. Qu’est-ce qui pouvait réellement l’étonner maintenant ?
Nevus paru soudainement mélancolique. L’assurance qu’elle avait jusqu’à présent dans sa voix ne cachait plus son inquiétude.
— Niriel s’est donc éteinte à Ignis.. Je comprends mieux.. Quelle tristesse..
— Quelle différence ça fait ?
— Lorsque nous donnons notre dernier souffle à Eden, nous fusionnons avec ce monde. Toute notre énergie retourne à la terre. C’est un honneur pour nous. Mais si une âme meurt à Ignis.. Elle disparaît purement et simplement..
— C’est ma faute.. C’est moi qu’il veut. J’avais fait ce cauchemar avec un immense arbre et je l’ai dessiné pour le montrer à Elena. Quand ma mère l’a vue, elle a paniqué et Alya est arrivé, et puis tout s’est enchaîné, mon père.. Mon père.. s’est fait tuer.. Et ensuite.. Et.. Et ensuite ma mère..
Jusqu’à présent, sa tristesse restait cachée. Il essayait de résister, espérant peut-être un mauvais rêve, qu’il se réveillerait dans sa chambre, avec ses parents. Il avait toujours été distant avec eux, et maintenant il se le reprochait. Si seulement il avait su .. Si seulement ..
— Nous n’avons pas le temps pour les regrets.
C’était sec, et dur à entendre, mais elle avait raison. Son futur restait à faire. Si sa mère se tenait au côté d’Algaesias, vivante, alors il la retrouverait. Dans le cas contraire, il la vengerait elle et son père. Il se foutait de sa place de prince. Mais pour le moment, il devait en apprendre plus sur ce monde et décider à qui il pouvait faire confiance.
— Qui est Caelis ?
— Il est le créateur des..
— Non. Contez-moi son histoire. Eden, Eos, Caelis, racontez-moi tout.
Nevus hésitait, mais pour un très léger temps, car rapidement, elle plaça ses mains sur la tête d’Ethan, le forçant à fermer les yeux, téléportant son esprit ailleurs, loin d’ici.
— Nos précurseurs résidaient dans un monde où la magie et la technologie ne faisaient qu’un et vivaient en harmonie.
Au rythme de son histoire, Ethan pouvait voir défiler des images qui traversaient son esprit. Il pouvait observer le monde en question, les tours gigantesques. Contrairement à Eden, la voûte céleste ressemblait à celle d’Ignis : un beau bleu parsemé de nuages, dominés par le soleil.
— Malheureusement, ça ne dura pas éternellement. Certains désiraient une union parfaite entre technologie et magie, d’autres espéraient les séparer complètement. Certains même, voulaient anéantir ceux qui étaient trop puissants. Cette tension perpétuelle mena à une guerre sans précédent.
La scène changea. Cette fois, le firmament devint orangé, les gratte-ciel en morceau s’écroulaient sur le pavé gris, des cris retentissaient, un globe entourait la ville tandis que des explosions s’écrasaient dessus. Des espèces de drones tiraient à vue alors que des mages leur envoyaient des boules de feu et les déchirer d’un simple geste ou les contrôlaient pour les retourner contre les autres.
— Tandis que la guerre faisait rage. Trois sages mirent en place une solution. L’anéantissement du monde ne faisait plus de doute. Il était inutile de tenter de le sauver. Ils devaient préserver l’avenir et éviter que leurs successeurs ne répètent leurs erreurs. Grâce à leurs technologies et à leurs plus puissances, ils trouvèrent le moyen. Mais pour ce faire, il fallait raser ce monde, sali et impur. Ils firent en sorte que de la destruction de leurs monde éclosent deux différents, opposés. L’un contiendrait tous les maux comme l’envie, la haine, la maladie, démunie de toute magie, ainsi apparut Ignis. L’autre serait un monde de pure magie, dépourvue de souffrances, capable d’accueillir la vie, « Eden ». Et leur plan fonctionna. Ils anéantiront eux-mêmes leur propre monde. Et de sa destruction émergèrent deux Nouveaux Mondes. D’abord « Eden », qui donna naissance à quatre Éternels : Eos, Uros, Naïa et Gamu. Eos donna vie aux elfes, la faune et la flore. Uros engendra les ailés et les dragons. Naïa créa l’eau et à ses habitants, quant à Gamu, il instaura la terre ainsi que différentes races à travers le monde comme les nains, les géants et beaucoup d’autres.
— Où est Caelis dans tout ça ?
— J’y viens. Eos et Uros s’éprirent l’un de l’autre et donnèrent naissance à Caelis. Sa première réalisation fut les Yagus malgré les contestations des Éternels. Une race capable d’utiliser la magie. Caelis se présente à nous sous la forme d’un arbre, arborant avec fierté ses orbes lumineux. Il est dit que chacune d’entre elles possède une source de magie immense, puisée directement d’Eden et des âmes des défunts. Deux Yagus tentèrent de dérober l’une d’elles. Fou de rage et déçu de sa création, Caelis ouvrit un portail vers Ignis afin de les y envoyer.
— Deux personnes, un orbe volé.. Un bannissement d’Eden.. Ça me fait penser à.. alors Adam et Ève.. Si cette histoire est vraie, ils sont originaires de ce monde .. ?
— En effet. Ce fut le début de nos problèmes. Et la naissance de la vie a Ignis. Malheureusement, le portail permit aux différents maux d’envahir Eden. Afin de corriger sa faute, Caelis créa les Sicario, capable de se déplacer d’un monde à l’autre, agile, silencieux, meurtrier.. Une race destinée à effacer les souffrances d’Eden, et donc, leurs hôtes. Mais ce fut échec. Désormais, les maux d’Ignis font partie d’Eden. Et nous sommes sur le point de répéter les erreurs de nos précurseurs.
— Et..
— Je n’irai pas plus loin, je t’en ai raconté suffisamment.
— Je vois.. Pourquoi je devrais être dans le camp de Caelis ? Il m’a l’air d’être à l’origine de tous les problèmes.
— Algaesias veut détruire Caelis, mais les autres Éternels suivront, ça ne fait aucun doute. Seulement, si l’un d’eux meurt, toutes leurs créations disparaissent avec.
— C’est complètement stupide. C’est du suicide pour lui et tous ceux qui le suivent. Pourquoi ?
— Certains pensent qu’il aurait trouvé le moyen de se détacher de ses créateurs. On croit également qu’il est capable de donner vie à ses propres guerriers.
— Il serait comme un dieu. Le seul et unique.