Chapitre 6


Madalane


 

Je ne vais pas le faire.

Je traverse la chambre que l'on m'a attribuée de long en large. Ça me laisse peu de temps pour réfléchir parce qu'elle est minuscule. "Je vais le faire." Qu'est-ce qu'il m'a pris ? Comme si j'avais quoi que ce soit à prouver à ces gens, à cette ville qui n'est pas la mienne.

Je n'ai pas ma place ici. Je ne suis pas la fille de Varian. Je ne suis pas une apprentie Marin. Je suis une Lectrice de Moara, et quelque part sur cette île, Lioréa m'attend.

Je regarde par la fenêtre étroite de ma chambre. La nuit est tombée sur Marisol, enveloppant la cité dans un manteau d'obscurité que seules les lanternes de Safeguard percent de leur lueur bleutée. En contrebas, la mer s'écrase contre les rochers, son grondement familier.

Contrairement au côté ville, la face maritime n'est pas surveillée. Pourquoi le serait-elle ? Qui serait assez fou pour se faufiler au dessus des eaux à trente pieds de hauteur ?

Moi, visiblement.

Mais ce Festival des Marées n'est pas mon destin. La mer en a décidé autrement. Elle m'a choisie pour porter les secrets de ceux qui manquent de courage, pas pour parader devant une ville qui préfère l'ignorer. Et ce soir, elle à intérêt à m'aider à m'échapper.

J'enfile la tenue d'entraînement qu'on m'a fournie - des vêtements de coton rêche, trop larges pour mon corps mais assez près du corps pour ne pas me gêner dans l'eau. Mon plan est simple : nager jusqu'aux docks, partir à la recherche d'Éléonore, et retrouver Lioréa. La mer nous guidera vers l'île, j'en suis certaine.

Je m'agrippe au rebord de la fenêtre et balance mes jambes dans le vide. Le vent marin gifle mon visage tandis que mes pieds trouvent une première prise - une corniche étroite qui longe le mur. Une pierre se détache sous ma main et plonge. Son impact tardif contre les rochers me glace le sang.

Je descends rapidement, mes doigts trouvant instinctivement les fissures de la pierre. La gouttière grince sous mon poids mais tient bon. Le sel cristallisé écorche mes paumes tandis que je me déplace latéralement, cherchant ma prochaine prise.

Une gargouille marine m'offre un bref répit, mais le prochain point d'appui est trop loin. Il faut sauter. Je fléchis les genoux, mesure la distance. Une bourrasque me déséquilibre soudain - mes doigts glissent sur la pierre humide.

La chute est brutale, l'air sifflant à mes oreilles. L'eau noire se rapproche à une vitesse terrifiante. L'impact m'arrache tout l'air des poumons. Je coule, désorientée, avant que l'instinct ne prenne le dessus. Je bats des jambes, remonte à la surface en grandes brassées désespérées.

Le courant me tire immédiatement vers les rochers. Je lutte, nage à contre-courant, la mer grondant autour de moi comme si elle hésitait - m'aider ou m'engloutir ?

Je ne lui laisse pas le temps de trancher. Je m'apprête à me hisser sur les rochers, le souffle court, quand une main surgit devant moi. Je lève les yeux et découvre un jeune homme nonchalamment perché sur la pierre, sa chemise déboutonnée et négligemment nouée à la taille. Le reste de sa tenue est un mélange improbable - un pantalon de toile usé qui n'a rien de réglementaire et des bottes cirées. Ce contraste est déjà déroutant en soi.

— Besoin d'aide ? murmure-t-il, un sourire amusé aux lèvres.

Sa voix est légère, presque musicale, sans la rugosité que l'eau salée finit par donner aux marins. Il m'observe avec une curiosité tranquille, comme si trouver une fugitive dégringolant d'une muraille en pleine nuit était la chose la plus naturelle du monde.

Ce qui me frappe le plus, ce sont ses yeux. Un œil bleu, l'autre vert. Comme si le ciel et l'océan avaient tenté de se rejoindre en lui, sans jamais y parvenir. Cet homme ne va même pas avec lui-même - comment pourrait-il appartenir à cette ville de règles et d'uniformité ?

Mais peu importe qui il est - il m'a vue. S'il donne l'alerte, je serai reprise avant d'avoir atteint les docks. S'il me dénonce, je perds ma seule occasion de m’enfuir par surprise.

Je saisis sa main tendue, feignant d'accepter son aide. Puis, d'un mouvement brusque, je tire de toutes mes forces. La surprise se lit sur son visage tandis qu'il bascule en avant. Je l'entraîne dans l'eau avec moi. La mer se chargera de faire le sale boulot - ou au moins de le faire taire le temps que je m'échappe.

Mais avant que je puisse me hisser hors de l'eau, une main saisit ma cheville, ferme et déterminée. Je me laisse retomber, et dans un geste rapide, enroule la corde de mon casier autour de son cou, serrant juste assez pour qu'il sache que je ne plaisante pas.

— Je ne veux pas te faire de mal, murmuré-je, mais je ne peux pas te laisser donner l'alerte.

Il émerge, toussant, mais toujours souriant. Ses yeux dépareillés brillent d'un éclat amusé, comme s'il n'était pas à deux doigts de finir par le fond. Il ne tente pas de se débattre et d'un geste entendu, il désigne le chemin qui serpente au-dessus de nos têtes.

Je suis son regard et aperçois deux gardes qui patrouillent le long des remparts. Leur démarche est lourde, rythmée par le cliquetis métallique de leur équipement. Ils avancent en riant, leur attention fixée sur le chemin à leurs pieds.

Sans perdre une seconde, je me jette à l'abri d'un rocher, le tirant avec moi, sans relâcher ma prise sur son cou. Il se laisse faire, avec un calme qui menace de me faire perdre le mien. Je resserre ma prise pour le dissuader de faire le moindre bruit.

Une odeur inattendue m'enveloppe - du pin et de la terre fraîche, pas l'odeur de sel et de vieux cuir que portent les Marins. Ses mains, que je sens effleurer mon bras, des mains rêches comme celles d’un Marin.

Nous restons cachés, immobiles, tandis que les Enforcers passent sans nous remarquer. Leurs voix résonnent faiblement dans la nuit. Quand ils disparaissent à l'horizon, je desserre lentement la corde, observant l'inconnu du coin de l'œil.

— Il est bientôt cinq heures, murmure-t-il en se frottant la gorge. C'est l'heure de la relève.

Il dit cela comme s’il se justifiait, pas plus perturbé que ça d’avoir échappé de peu à la noyade. Je hoche la tête, hésite un instant, puis le relâche complètement. Je me hisse sur les rochers, laissant l'air froid et humide s'emparer de ma peau.

Il reste dans l'eau, ses yeux dépareillés fixés sur moi, brillants d'une lueur énigmatique.

— Tu comptes rester là ? lancé-je, tentant de cacher la surprise dans ma voix.

Son sourire s'élargit, révélant ses dents d'une blancheur éclatante.

— Peut-être que la mer m'aime plus que toi.

S'il y a bien une chose dont je n'ai jamais douté, c'est que la mer m'offre une place qu'elle réserve à peu d'élus. Mais en voyant ce type se laisser porter, les bras tendus négligemment autour de lui, un sourire sur le visage, je me dis qu'il a peut-être raison. Peut-être qu'elle l'aime plus que moi. Et peut-être que, lui, l'aime plus que moi. C’est à dire que je ne l'aime pas beaucoup en ce moment.

— Peut-être, admis-je finalement avant d’ajouter : Tu ne ressembles pas aux Marins que j'ai croisés jusqu'ici.

— Parce que je ne suis pas un Marin.

Je plisse les yeux. Il ne porte pas d’uniforme mais seul un élu de la mer pourrait se baigner dans ces eaux sans être emporté immédiatement par le fond. Je sais que je ne suis pas censée être ce que je suis. A la fois Marin et Lectrice. Mais elle m'a choisie, moi. Je regarde sa tenue simple, et son sourire éclatant. Il semble qu’elle l’ait choisi, lui aussi. Il nuance :

— Pas encore, du moins. Mais on aime bien les destins tragiques dans la famille, alors… ça ne devrait pas tarder.

Je hausse les sourcils, à court de mots. Que répond-on à quelqu'un qui parle de destins tragiques avec un sourire ? Je m'assieds au bord du rocher, laissant l'eau froide engloutir mes pieds. Lui n'a toujours pas bougé, flottant sans effort, son regard fixé sur les étoiles.

— Toi, par contre, je ne sais pas ce que tu es, murmure-t-il. Tu n’es pas une aspirante, et pourtant…

Il se redresse et désigne ma tenue, l'eau qui en dégouline, et l'évidence : la mer m’a laissée en vie. Je m’accroche à la vérité :

— Je suis une fille de Marin.

— Tu n’en as pas l’air.

— Pas plus que toi, rétorqué-je en désignant sa tenue. Il y a une raison à ça ?

Il hésite un instant avant de retrouver son sourire.

— Je suis le fils d’un Marin. Mais je t'ai dit : j'ai un truc avec les destins tragiques, dit-il en se laissant sombrer sous l'eau.

Je l'observe remonter lentement à la surface et n'insiste pas. Je sors deux des colliers que j’ai volé dans ma chambre et les lui tends. Il ne fait pas un geste pour s'en saisir.

— C'est mon prix, insisté-je.

Il lève un sourcil.

— C'est tout ce que vaut ta vie ?

Je hausse les épaules.

— Elle ne vaudra pas grand-chose si je ne garde pas le reste.

— Les filles au bordel sont bien plus chères.

— Disons que le service n’est pas le même.

Il sourit mais secoue la tête, rejetant l'offre.

— Garde-les tous. Je n'en ai pas besoin.

Je plisse les yeux en l'observant. Il y a quelque chose de réconfortant dans la singularité de son visage. Il y a ses yeux étranges, bien sûr, mais tout en lui semble remarquable. Des tâches de rousseurs. Des dents blanches mais mal rangées. C’est comme si, pour une fois, il est fait pour que je sois capable de reconnaitre ce visage-là.

— Pourquoi tu as fait ça ? demandé-je en désignant la direction où les hommes ont disparu.

— Si la Mer décide de t'accepter, ce n’est pas à moi de la contredire, murmure-t-il en souriant toujours.

C'est à ce moment précis que je le sens - ce courant anormal qui fait frissonner l'eau autour de nous. Un mouvement qui n'a rien à voir avec les marées ou les vagues. Quelque chose de plus... intentionnel. Comme des doigts invisibles caressant la surface, appelant, cherchant.

Le jeune homme le remarque aussi. Son sourire s'efface tandis qu'il observe l'eau qui s'agite autour de nous. Puis je les vois - des silhouettes sombres qui se dessinent sous la surface, d'abord floues puis de plus en plus nettes. Des bouteilles. Des dizaines. Moins nombreuses que sur l'île, mais beaucoup trop pour que ce soit une coïncidence.

— Qu'est-ce que... murmure le jeune homme alors que l'eau commence à clapoter avec insistance contre les rochers.

La première bouteille émerge brusquement, comme propulsée par une main invisible. Elle heurte la pierre à mes pieds dans un tintement qui me fait sursauter. Puis une deuxième, une troisième. Elles affluent maintenant, s'entrechoquant dans un concert de verre et d'eau, formant un cercle autour de moi. Je recule instinctivement, mais elles suivent mon mouvement, persistantes.

C'est alors que la première commence à luire. Une lumière bleue pâle d'abord, qui s'intensifie rapidement. Les autres l'imitent, une à une, jusqu'à ce que l'eau autour de nous soit transformée en un bassin de lumière surnaturelle. Les bouteilles pulsent au rythme d'un cœur invisible, leurs secrets frémissant à l'intérieur comme des papillons captifs, appelant à être libérés. Appelant à être portés.

Je bondis en arrière, mes pieds nus glissant sur la pierre humide. La panique me saisit – pas ici, pas maintenant. Mais les bouteilles s'élèvent davantage, leur lueur bleue si intense qu'elle projette des ombres mouvantes sur les falaises.

Le jeune homme reste immobile, baigné dans cette lumière qui transforme son visage en un masque d'émerveillement. Ses yeux dépareillés s'écarquillent, l'un reflétant le bleu des bouteilles, l'autre semblant absorber leur lumière. La compréhension se lit sur ses traits, et pour la première fois depuis notre rencontre, je le sens vraiment présent.

— Intéressant, souffle-t-il. Tu n'es vraiment pas un Marin, après tout.

Ce n'est pas une question. La mer vient de me trahir de la façon la plus spectaculaire qui soit, révélant mon secret dans un spectacle de lumière impossible à ignorer.

Les bouteilles s'agitent maintenant avec frénésie, cognant contre les rochers dans un tintement presque musical qui me poursuit alors que je recule davantage. Je sens le sel s'infiltrer dans les petites coupures de mes pieds, une brûlure qui me rappelle douloureusement que je ne peux pas échapper à ce que je suis.

Mais elles s'en moquent de ma réticence, de ma peur. Elles sont là pour être lues, pour que je porte leurs secrets. C'est mon rôle, celui que la mer m'a attribué, et elle ne m'oublie pas, même si j'essaie de la fuir.

Le jeune homme s'approche, fasciné. Il tend la main vers l'une des bouteilles qui flotte, scintillante, à la surface. Mais dès que ses doigts l'effleurent, elle s'écarte brusquement, comme offensée par son toucher. Les autres bouteilles s'agitent, leur lumière vacillant comme en signe de protestation. Il me regarde, stupéfait par ce rejet.

— Je n'avais jamais vu de Lectrice, avant.

Il m'observe longuement, ses yeux dépareillés reflétant la lueur bleue des bouteilles. Puis un sourire différent se dessine sur ses lèvres. Pas amusé, cette fois. Presque... respectueux.

— Je comprends mieux pourquoi la mer t'aime.

D'un geste fluide, presque autoritaire, il passe sa main au-dessus de l'eau. À ma grande surprise, les bouteilles reculent, comme intimidées. Leur lumière faiblit, pulse une dernière fois, puis s'éteint complètement. Bientôt, nous sommes de nouveau dans la pénombre, seules quelques lanternes de Safeguard éclairant faiblement la scène.

Je m'éloigne encore d'un pas, mes épaules heurtant la paroi rocheuse derrière moi. Mon cœur bat à tout rompre, non pas de peur des bouteilles, mais de ce qu'elles représentent – ce lien que je ne peux rompre, cette responsabilité que je ne peux fuir.

— Je ne dirai rien, déclare-t-il simplement.

— Pourquoi ? Tu pourrais me dénoncer. Une Lectrice hors de son île... ça vaut plus que quelques colliers volés. Plus que les filles du bordel.

Il secoue la tête.

— Les secrets ne m'intéressent pas. Et puis...

Il désigne les bouteilles qui s’éloignent sur les flots.

— Si la mer te fait confiance, qui suis-je pour la contredire ?

— Tu me laisses partir ? demandé-je, incrédule.

Il se laisse flotter sur le dos, ses yeux fixés sur les étoiles.

— Je suis curieux de voir où cette histoire va nous mener.

Je m'apprête à répondre quand une voix grave résonne au-dessus de nous.

— Moi aussi, je suis curieux.

Je lève brusquement la tête. Un homme se tient au bord de l'eau, les bras croisés, son visage à moitié dissimulé par les ombres. Seuls ses yeux clairs captent la lumière des lanternes de Safeguard.

— Saul, murmure le jeune homme au regard dépareillé, toute trace d'insouciance soudain évaporée.

Il s'éloigne du bord d'un mouvement fluide, comme si nous n'avions jamais parlé. La mer est revenue sombre.

— Alaric, répond Saul d'une voix où perce une pointe d'agacement. Ton frère te cherche partout.

— Thorn s'inquiète toujours trop.

Saul descend sur les rochers, ses mouvements précis et mesurés. Il me fixe, et je ne parviens pas à déchiffrer son expression. Colère ? Déception ? Ou simple résignation ?

— J’aurais dû me douter que tu essaierais de t'enfuir, dit-il en me tendant la main.

Son regard s'attarde un instant sur la mer redevenue noire. A-t-il vu ? A-t-il compris ?

— Tu sais, murmure-t-il d’une voix fatiguée. Si tu veux t'échapper par là, il vaut mieux attendre la marée haute. Là, les rochers sont à découvert.

Je jette un regard vers les rochers, puis vers lui.

— Si j’avais attendu la marée haute, il aurait fait jour.

Je soutiens son regard, m'efforçant d'ignorer les cernes qui creusent ses traits. Il n'a pas dû beaucoup dormir non plus. Ses yeux clairs sont voilés d'inquiétude. Ou d'irritation. Difficile à dire. En tout cas, on ne voit pas le sable qui se cache au fond et ça ne peut pas être bon signe.

— Et puis, le pire n’est pas la descente, admet-il. Il y a bonnes prises. Mais la nage jusqu'au port...

— Je suis bonne nageuse.

Il me regarde un long moment, puis un sourire inattendu étire ses lèvres.

— Toi ? Tu es la pire nageuse que j’ai jamais vue.

Je le dévisage, stupéfaite. Sur l'île, ma relation avec l'eau était presque légendaire. Les Lecteurs m’observaient discrètement quand je plongeais, Éléonore elle-même avait reconnu que j'étais née avec du sel dans les veines, et Lioréa... Lioréa disait toujours que la mer et moi partagions un langage secret.

Pourtant, il enfonce le clou :

—Tu vas te noyer.

— Ce ne sera pas la première fois, répliqué-je, piquée au vif.

Il me regarde un long moment et je me surprends à m’approcher légèrement pour voir ce qui se cache dans ses yeux.

— Remonte, ordonne-t-il en reculant. Le Festival est dans deux jours, et tu n'es clairement pas prête.

Alaric s'éclaircit la gorge.

— Je devrais y aller aussi. Les cours vont commencer. Le Festival est dans deux jours, après tout, lance-t-il avec un sourire pour le Capitaine.

Il me lance un dernier regard, ses yeux dépareillés brillant d'une étrange intensité.

— À bientôt, Lectrice, souffle-t-il si bas que je suis peut-être la seule à l'entendre.

Puis il grimpe sur les rochers et disparait derrière une lourde porte de bois. Saul m'observe attentivement. Je ne peux dire s'il a entendu les derniers mots d'Alaric.

— Tu as de la chance que ce soit lui qui t'aie trouvée, dit-il en m'aidant à me hisser complètement sur les rochers. N'importe qui d'autre t'aurait déjà dénoncée au Conseil.

— Pourquoi pas lui ?

Il ne répond pas. Son regard se perd un instant sur l'horizon, où le ciel commence tout juste à s'éclaircir. Quand je comprends qu’il ne trahira pas le jeune homme, je demande :

— Et toi ?

— J'ai fait une promesse à Varian. Et...

Il s'interrompt, comme s'il allait dire quelque chose qu'il regretterait. Dans la pénombre, les traits de son visage semblent plus doux, plus vulnérables. Une mèche de cheveux tombe sur son front, et je réprime l'impulsion absurde de la repousser.

— Et ? insisté-je, ma voix plus basse que je ne l'aurais voulu.

Il me regarde longuement, et quelque chose dans ses yeux me fait frissonner. Pas de froid, bien que je sois trempée.

— Et la mer t'a choisie pour une raison, finit-il par dire.

Je pense qu’il a raison. Les bouteilles ont disparu, mais leur message est clair : je ne peux pas échapper à ce que je suis. Pas même ici, si loin de mon île. La mer me suivra toujours, avec ses secrets et ses exigences. Et pour l'instant, elle semble vouloir que je reste.

Saul me tend sa veste et je réalise que je tremble. Je n’ai pas froid, pourtant.

— Allons-y. Nous avons beaucoup de travail si tu veux survivre à ce Festival.

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