— Vous venez ? dit ma mère.
Je descendis de la voiture, accueillie par la chaleur torride du mois d'août. Nous étions à présent dans l'État de Géorgie, au sud des États-Unis. Je fis glisser mes lunettes de soleil sur le sommet de ma tête. À cause de l'humidité, mes cheveux roux avaient triplé de volume, et j'eus l'impression qu'ils essayaient de dévorer mes lunettes comme une plante carnivore. Je devais ressembler à une barbe à papa orange. Daryl transpirait la testostérone d'après Blue. Moi, je ne sentais que l'acidité écoeurante de sa sueur qui faisait coller son T-shirt à son torse. Il avait un casque sur les oreilles et ne semblait pas enclin à la discussion.
Mon père était resté à la maison, sans doute trop occupé à... je ne sais pas. Ma mère s'était donc portée garante pour nous déposer à notre nouveau lieu de vie.
— Je me suis toujours demandé ce que ça faisait de vivre en prison, ai-je marmonné.
Nous nous trouvions à l'institut de Géorgie qui, d'après la brochure que ma main moite serrait, était « le premier centre d'éducation surveillé pour jeunes Critters » Critters : Latin du mot « bestioles ». Vraiment ravie d'être considérée comme tel. En résumé, c'était une école de redressement pour « bestioles » surnaturelles. Ô joie !
L'objectif de cet endroit : Protéger et instruire nos jeunes enfants dont l'utilisation des facultés en public, a constitué un risque pour la sauvegarde de la communauté des Critters.
— Je ne comprends toujours pas l'intérêt de nous envoyer ici comme si on était des criminels, ai-je déclaré à ma mère tandis qu'elle ouvrait le coffre du véhicule.
Je lui en avais déjà parlé dans l'avion, mais elle avait fait mine de dormir.
— Chérie, me dit-elle. C'est pour votre bien, jamais nous ne prendrions une telle décision si nous n'étions pas sûrs a cent pour cent de votre sécurité.
Elle me tendit la valise tout en me désignant Daryl du menton.
— Il est en colère après moi, n'est-ce-pas ? s'enquit-elle.
Je haussai les épaules en regardant l'énorme bâtisse de l'établissment.
— Le lycée l'insuportait déjà bien assez sans que tu l'envoies dans un camp de concentration pour bestioles, dis-je en faisait des guillemets à l'emploi du mot.
Ma mère se rapprocha de moi et m'attrapa les mains, me forçant à lacher la valise.
— Ma puce, ça ne durera qu'un an, je te le promets. Vous vous ferez des amis et tout ira bien, me dorlota-t-elle.
Je voyais bien qu'elle voulait aller vers Daryl, mais c'était comme s'approcher d'une prise électrique avec une fourchette : très dangereux.
— Par ailleurs, c'est une bonne école, reprit-elle en s'approchant de la bâtisse.
Cela ne ressemblait pas à une bonne école. Ça ressemblait à un croisement entre un vieux film d'horreur et un manoir hanté de Disney. Pour commencer, la bâtisse avait près de deux cent ans. À un moment, le manoir avait dû être blanc, mais il était maintenant d'un gris pareil à celui de l'allée de gravier et de coquillages, se fondant dans le paysage comme un affleurement naturel de l'île.
Nous déposâmes nos valises au sol (Daryl y compris) et ma mère a contourné l'édifice.
— Venez voir, a-t-elle lancé.
Je l'ai rejointe. Selon la brochure, au fil du temps, la structure d'origine s'était considérablement agrandie. L'arrière de la bâtisse de bois gris cédait la place a du stuc rose s'étendant jusqu'à la forêt.
Devant l'établissement, de grands chênes dégoulinants de lichen ombrageaient la bâtisse. Deux fougères poussiéreuses, semblables à des araignées vertes géantes, flanquaient l'entrée, et une sorte de lierre aux fleurs mauves tapissaient un mur entier. C'était comme si la maison se laissait lentement engloutir par la forêt.
Je tirai sur l'ourlet de ma jupe en regardant le manoir. Comment pouvait-on contempler cette école sans soupçonner que les étudiants qui s'y trouvaient étaient bizarres ?
— Ç'a du charme, a commenté ma mère d'un ton enjoué.
— Oui. C'est pas mal pour une prison, répondit en écho à ce que je pensais, la voix gutturale de mon frère pour la première fois depuis le début du voyage, ce qui me fit réprimer un sourire.
Ma mère secoua la tête.
— Arrête avec ton insolence d'adolescent, Daryl. C'est loin d'être une prison.
C'était pourtant notre impression. Et d'après le regard qu'il lui lançait, j'étais presque convaincue qu'il la prenait pour une cinglée.
— Il y a tout ce qu'il vous faut, a-t-elle ajouté.
Je voyais à sa mâchoire contractée que mon frère ravalait des insultes plus virulentes les unes que les autres, et je lui étais reconnaissante de bien se tenir.
Parmi les élèves réunis sur la pelouse, une poignée de nouveaux arrivants déchargeaient les coffres des véhicules et soulevaient des bagages. L'un d'eux possédait des bagages aussi esquintés que ma vieille valise, mais j'ai également vu quelques sacs Vuitton. Une fille aux cheveux noirs et au nez légèrement crochu devait avoir mon âge, les autres semblaient plus jeunes.
Je tentai une approche vers mon frère, que je dépassais en réalité de neuf mois — Oui. Juste après avoir accouché, ma mère était retombée enceinte. Ô puissante et divine personne, je me disais que c'était le moment ou jamais.
— Tu as trouvé quelqu'un à ton goût ? tentai-je en le voyant scruter la cour d'un air mauvais.
Il répondit à ma question par un regard de travers agrémenté d'un discret doigt d'honneur.
— Eh, lui dis-je doucement. On sera dans la même classe pour une fois.
—Super ! Je me sens beaucoup mieux, lâcha-t-il sur un to sarcastique.
Je roulai des yeux ne sachant pas quoi dire d'autre. Ma mère aurait quand même pu tenter le coup. Je détestais jouer le rôle de l'aînée qui donne toujours des leçons de morale et qui garde toujours la tête froide.
Je m'arrêtai pour réajuster ma besace sur mon épaule.
— Au moins, vous serez en sécurité ici, déclara ma mère. C'est une bonne chose. Je n'aurai plus à me faire constamment du soucis pour vous.
Ma mère craignait qu'on découvre nos facultés particulières. À force de lire tout un tas de livres sur les créatures surnaturelles, elle était devenue légèrement paranoïaque, mais heureusement que mon père était là pour la canaliser.
Nous pénétrâmes à l'ombre de grands chênes et la température baissa d'un degré. En arrivant devant les marches un hurlement surnaturel attira notre attention. Nous nous tournâmes vers le bruit.
Un loup-garou.
Il ne ressemblait ni à un loup, ni à une personne. On aurait dit un gros chien sauvage dressé sur ses pattes. Son poil était blond et ses prunelles vertes. Il était moins grand que l'homme qu'il menaçait de ses grognements.
— Tu n'as pas le choix ! Il fallait réfléchir aux conséquences. J'espère que cette école saura t'inculquer les principes de la vie en communauté, le sermonna-t-il.
— Ne te mets pas dans cet état, ça donnera une mauvaise image de toi, mon poussin, ajouta la mère.
Puis tout à coup, son corps fut prit de convulsions, et il poussa un grognement d'agonie qui me herrissa les poils. Son corps était tendu comme un arc et j'entendais ses os se briser et se repositionner. Cette vision horrifique s'accentua lorsqu'il se mit à quatre pâtes et que je vis ses rotules se déplacer comme des boules de billard, sa carrure rétrecit et ses poils rentrèrent dans ses pores. Puis, il ne ressemblait plus à un loup-garou.
Ni à un garçon.
Comme je n'avais aucun moyen de savoir s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, j'avais tout de suite opté pour la première hypothèse. Mais il s'agissait d'une fille de mon âge.
Elle se releva gracieusement, et je fus gênée (visiblement plus qu'elle) de la voir entièrement nue. Ses vêtements avaient dû se déchirer lorsqu'elle s'était transformée sous le coup de la colère, et je supposais que c'était ce qui l'avait conduite ici.
J'ai entendu un bruit étouffé avant de me rendre compte que mon frère avait cessé de respirer. Je lui donnai un coup dans les côtes pour lui faire comprendre de regarder ailleurs. Mais il ne semblait même pas m'avoir sentie.
Puis, à la manière d'un mannequin nudiste, la jeune fille s'éloigna, suivie par ses parents, les sourcils froncés en direction de l'étage, sous la regard ébahi des autres étudiants et parents.
— Ça alors, s'exclama ma mère entraînant une frénésie de brouhaha.
— Ne vous en faites pas, ce n'est pas la première, ni la dernière à se transformer dans cet établissement, dit une voix onctueuse comme du sirop de sucre de canne en s'avancant vers nous, le regard rivé sur mon frère qui piqua un fard.
— Les loups-garous ont bien sûr chacun une façon de se transformer, mais lorsqu'on ne sait pas se contrôler : Voilà le résultat !
Lorsqu'elle arriva à notre hauteur je vis qu'il s'agissait d'une dame vêtue d'un tailleur bleu. Elle avait la cinquantaine et un chignon blond foncé très élaboré. Devant son port impérial et son tailleur bleu roi, je me suis dit qu'elle devait être la directrice. Madame Maryse Gold.
C'était bien elle. Ma mère lui a serré la main.
— Emeraude Walsh. Et voici Amy et Daryl.
J'aime vraiment beaucoup l'univers que tu as créé, cela me fais penser à beaucoup de moment que j'ai déjà vu dans plusieurs livres ou film, mais redessinée à ta manière !
J'ai hâte de lire la suite qui promet d'être super ^^
Bonne chance pour la suite !
*écrit
*films
*fait
Voilà vrm désolée, j'ai posté sans relire et quand j'ai vu ça j'ai pas pu m'empêcher de corriger...)
Hahaha pas de soucis, je fais la même chose, je ne me relis pas et il y a toujours des folies
À+ !
À+
C'est drôle parce que Maryse Gold m'a fait penser à Minerva McGonagall avec ce dernier dialogue et le descriptif physique x)
C'est vrai maintenant que tu le dis xD
En écrivant, j'avais l'image de la doyenne type mais faut dire que McGonagall l'incarne à la perfection !
Que dire à part que j'ai adoré ce chapitre. Je trouve qu'il y a un sens du dialogue et un humour qui marche très bien avec moi. Les descriptions sont courtes et suffisamment précise pour que je m'imagine bien la scène sans nuire au rythme de lecture.
Je suis toujours conquis par les deux frangins et j'aime beaucoup l'idée d'un centre de redressement pour jeunes déviants super-naturelles. J'ai le même ressenti que pour le début de la série "Mercredi" dans les prémisses de ce chapitre.
L'utilisation des temps m'a paru un peu étrange parfois comme par exemple ici : " Nous déposâmes nos valises au sol (Daryl y compris) et ma mère a contourné l'édifice.", je pense que "pendant que ma mère contournait l'édifice".
J'en ai relevé 2-3 du même genre dans le texte.
J'ai hâte de voir la suite, surtout ce que tu nous réserve pour la loup-garou nudiste (j'ai beaucoup aimé son intro).
Bonne continuation, je pense que tu tiens vraiment quelque chose de bien !
Merci, c'est très gentil ! Contente qu'il t'ait plu !
Wow, t'as le chic pour pointer des vérités auxquelles je n'aurais jamais pensé, haha ! Ça fait effectivement penser à Mercredi. Mais en regardant la série, j'avoue n'avoir JAMAIS pensé à The Black Shadow *facepalm*. Merci d'ouvrir mes yeux d'aveugle !
Ah oui, en effet, à corriger. Je mélangeais souvent le passé composé et le passé simple. Je regarderai tout ça !
La loup-garou nudise reviendra en force (et habillée), ne t'inquiète pas !
Merci encore pour ton avis et tes commentaires encourageants !
Sybel