Elle sent mauvais, non ?
Je sens moi. Une feuille volante, ça n’a pas de parfum. Les vieux livres, les notices des boîtes de médicaments ou le charmant papier à lettre, oui.
Ses cheveux, ils sont gras. Elle se lave pas ?
Je sais pas.
Les murmures s’entassent et me fixent ; ils ignorent les jeux, la balle qui file près d’eux et la voix qui crie « hé ! La passe ! ». Dans leurs yeux gît le reflet cruel du sel de l’océan. Alors, même s’ils ne me touchent pas, ils me déchirent. Ils ont chacun pris un coin de ma feuille et tirent. Mes quatre-vingt-dix milligrammes résistent. Ils se défendent et luttent, mais finissent par se torde, s’agiter. Ils me donnent l’impression de se plier.
C’est effrayant les plis.
Avant qu’elle ne meurt, mon arrière-grand-mère en avait partout. Sur son visage, mais surtout, sur son corps. Je n’avais pas le droit de voir, mais j’ai quand même vu. Sur son ventre, son papier formait des rouleaux bizarroïdes, là où le mien était tendu. Plein de taches, de crevasses, de trous… il était usé. Ses genoux pliés contre le rebord du lit ressemblaient à des cocottes explosées, mal réalisées – comme les toutes premières que j’avais faites quand je ne savais pas encore que les traits se devaient d’être nets. Elle m’avait vu. Je pensais qu’elle se fâcherait. Ma mère et ma grand-mère qui ont tout de suite clenché la porte avec un froncement de sourcil mauvais. Mais non. Mon arrière-grand-mère a souri et m’a dit « viens, ma chérie ».
C’est moi qui suis partie.
C'est un passage que j'ai beaucoup travaillé parce qu'il me semblait important.