Le lendemain matin, Nathanaël était déjà debout depuis des heures alors que le soleil venait juste de se lever. Ses yeux étaient cernés, mais il était trop absorbé par son travail pour ressentir la fatigue. Dans son laboratoire improvisé, il effectuait une série de tests, cherchant un moyen de stabiliser l’exsudat du smog pour en faire un carburant viable. Le sol était jonché de notes griffonnées, de fioles partiellement vidées et de tubes en verre contenant des mélanges plus ou moins homogènes. Théo, encore à moitié endormi, entra dans la pièce en baillant. En voyant son frère penché sur une éprouvette fumante, il haussa un sourcil amusé.
“Toujours à bosser sur l’Agent X ?”
plaisanta-t-il.
Nathanaël releva la tête, surpris.
“L’Agent X ?”
Théo haussa les épaules en s’appuyant contre l’encadrement de la porte.
“Bah ouais. Ce truc a l’air mystérieux, instable, potentiellement dangereux… Ça sonne bien, non ?
Nathanaël réfléchit un instant, puis esquissa un sourire.
-Oui… Ça sonne bien.”
L’exsudat du smog venait d’avoir un nom.
Agent X.
Maintenant qu’il avait nommé la substance, il fallait la maîtriser. Il entreprit de mélanger l’Agent X avec différentes huiles brutes pour voir si cela pouvait le stabiliser et en faire un carburant exploitable mais les premiers tests furent catastrophiques. Il versa une première goutte d’Agent X dans un récipient contenant une huile végétale brute. Le liquide noir réagit immédiatement, provoquant une émulsion étrange. Le mélange devint mousseux, puis se solidifia en une pâte collante et inutilisable. Nathanaël nota l’échec sur son carnet.
“Échec n°1 : L’Agent X se lie trop vite aux composés organiques.”
Il essaya ensuite avec une huile moteur usagée. Cette fois, le liquide resta fluide, mais lorsqu’il tenta de l’allumer avec une petite flamme, le mélange dégagea une fumée noire épaisse, étouffante, bien plus polluante qu’un carburant classique.
“Échec n°2 : Trop instable à la combustion.”
Il soupira et passa à un autre test. Il tenta avec une huile minérale, plus raffinée, en ajustant les proportions. Le mélange était homogène, et lorsqu’il approcha une flamme…
BOUM.
Une explosion soudaine projeta de la suie sur ses vêtements et une bonne partie de son bureau. Nathanaël toussa, repoussant la fumée d’un geste de la main. Théo, qui avait assisté à la scène depuis l’entrée du laboratoire, éclata de rire.
“Celle-là, elle était belle ! T’essayes de fabriquer un carburant ou une bombe ?”
Nathanaël jeta un regard noir à son frère, mais ne put s’empêcher de sourire.
“Je préfère me dire que je suis en train d’affiner la formule.
Théo haussa un sourcil.
-C’est une façon optimiste de voir les choses.”
“Échecs n°3 : combustion trop importante.”
Après plusieurs heures d’essais infructueux, une piste commença à se dégager. Il se souvint que, lors de la fabrication de ses tuiles en plastique recyclé, un résidu huileux était extrait du polymère. C’était une huile brute, peu raffinée, mais stable. Avec un nouvel échantillon en main, il recommença ses tests. Cette fois, lorsqu’il versa l’Agent X dans l’huile brute du polymère, le mélange resta fluide sans mousse ni séparation. Lorsqu’il approcha une flamme, la combustion se fit de manière contrôlée, sans explosion ni fumée excessive.
Nathanaël recula, observant la flamme claire et stable.
Il prit une profonde inspiration.
Il avait réussi.
L’Agent X pouvait être stabilisé, et il venait de créer le carburant le plus accessible et efficace que Val-Carcosa ait jamais connu. Théo l’observa en croisant les bras.
“T’as trouvé ton mélange magique?”
Nathanaël hocha lentement la tête, toujours captivé par la flamme.
“Oui. Et je crois qu’on vient de mettre la main sur une ressource précieuse.”
Un silence s’installa entre eux. Théo le brisa en haussant un sourcil.
“Tu penses qu’on devrait en parler à Albéric ?
Nathanaël souffla doucement.
-Pas encore, pas avant d’être sûr de ce qu’on a entre les mains.”
Théo acquiesça. Mais au fond d’eux, ils savaient tous les deux que cette découverte allait changer bien plus que leur quartier.