Chapitre 10 -- Entourloupe et demi-tour

Par Capella

Une main sur son visage flottant, Katalysa considéra le sans-corps dans sa cuve tout en intensité. Rongé de morceaux de quartz qui lui traversaient le l’armature, il n’était plus que dans un état de demi-conscience, yeux ouverts, mais plus aucun son – pas même des gémissements de douleurs – ne venant s’extirper de ses sorties sonores. La phase cinq l’avait atteinte, et sous quelques heures, sinon minutes, ce serait un feu d’artifices de morceaux de saphirs qui viendraient orner sa cuve.

« M-Merci de m-m’avoir appelé. C’est bon à savoir. Éloignez ce corps de m-ma vue, et préparez quelques choses à dire à ses connaissances.

— Oui, mademoiselle !

— Et concernant ce que nous avons préparé pour accueillir Shelby ? Il ne devrait pas tarder. D’autant qu’il sait que vous m-m’avez appelé en urgence ; il se doute sûrement que ce n’est pas là pour parler comptabilité. Il voudra nous prendre sur le fait. »

Le sans-corps gagna le sol quand la plateforme de la cuve descendit en bruits mécaniques. Elle revint délestée de son sujet de test, les murs en verre venant s’ouvrir pour permettre à une équipe de désinfecter les lieux. Que les plafonds brillaient forts, aujourd’hui. Et ils avaient toujours été aussi hauts ? Sans doute avaient-ils été façonnés spécialement pour qu’une traqueuse volât jusqu’au cinquante mètres qui les séparaient de l’étage supérieur.

« Je trouve chaque jour des utilités supplémentaires à cette infection… Si elle venait à se répandre à l’Alvéole, les rebelles deviendraient pour tous un m-mal urgent à éliminer pour se concentrer sur la m-maladie. Donc… j’aurais inexorablement droit de traquer ces déchets. Je suppose ? »

Elle tourna sur elle-même en disant, se retrouvant tête en bas à sa conclusion. Elle pointa un tentacule vers l’un des laborantins. « À part ça… De quoi la retenir, ou toujours pas ?

— Toujours pas, mademoiselle… Enfin, en isolant le contaminé et en nettoyant régulièrement ses appartements, la maladie ne se propage pas aussi facilement, si ce n’est pas du tout, mais chez les travailleurs de la mine, tous sont probablement déjà un terrain endormi.

— Explicite.

— Il nous suffit de récupérer un malade dès les premiers symptômes pour qu’un autre apparaisse quelques jours plus tard. Ils ont été trop proches les uns des autres à l’arrivée de l’infection…

— Ahhhhhh… » Elle refit un nouveau tour sur elle-même, avec autant de douceur que si elle s’était trouvée à flotter dans l’eau. « Si on perd nos m-mineurs, bonne chance à tous ceux qui fonctionnent à l’eau. On devra leur faire boire celle des égouts… Bon, j’en fais partie, je ne devrais pas trop faire la m-maligne… Il faudrait peut-être ordonner aux Corail d’apprendre à filtrer l’eau un peu plus vite… Quand ils ne seront plus obnubilés par leurs croyances de révoltes. Enfin bon ! »

Reprenant position droite, elle flotta vers la cuve comme les nettoyeurs s’en éloignaient. Propre comme un sous neuf, reflétant même la Reine à travers son immaculé.

« Dites-m-moi, vous. Vous en pensez quoi, de travailler sur ces recherches entre filaires et sans-corps ? Savoir que vos collègues ne sont pas forcément des dieux, ça vous fait quelque chose ? »

Les scientifiques s’entreregardèrent. La question venait un peu abruptement, il allait sans dire. Ceux à forme humanoïde fixèrent ceux qui déviaient en silhouettes diverses, et vice versa. Tous eurent l’air de vouloir sonder l’autre, curieux, afin de deviner ce qu’il pouvait bien penser de l’autre côté de son système neuronal.

« C’est plus rassurant, émit un filaire. C’est moins de pression, surtout.

— C’est vraiment plus rassurant, renchérit un sans-corps. J’ai le droit de faire des erreurs sans que ce soit considéré comme quelque chose d’infâme. »

Ces commentaires en firent sourire quelques-uns, acquiescer quelques autres.

« Je trouvais ça horrible, reprit un filaire. Mais j’ai découvert que les autres ne savaient même pas non plus qu’ils n’étaient pas vraiment des dieux. À moins qu’ils soient bons acteurs, ça m’a vite aidé à tourner la page, personnellement. »

Katalysa acquiesça à son tour, une main sous son œil unique. Effectivement, difficile de s’en vouloir elle-même quand elle faisait partie des floués, dans toute l’histoire. Ils avaient certes eu le rôle avantageux dans cette mascarade, mais ce sans-corps venait de dire quelque chose de juste. Eux n’avaient jamais eu droit à l’erreur, en tant que dieux présumés. N’était-ce pas tout bonnement abominable aussi ? Ces rebelles qui cherchaient justices, que feraient-ils de leurs ennemis qui avaient sans cesse dû porter le poids de rien de moins que des divinités sur leurs épaules ? Katalysa se retint de pouffer avec mépris. Si hâte qu’elle avait, de leur enfoncer leur égoïsme dans la gorge, à ceux-là.

« Mademoiselle Katalysa, désolé de vous interrompre, mais ça y est, seigneur Shelby arrive, indiqua une femme en entrouvrant la porte des laboratoires.

— Ah ! Voilà qui m-me ravit. Il m-m’aurait presque fait attendre. Vous. » Elle pointa chaque angle du laboratoire de ses multiples bras pour désigner tout un chacun. « N’essayez pas de jouer les acteurs. Je m-m’en occupe. »

Après qu’ils eurent exprimé leur assentiment d’un signe de tête, ils se contentèrent tous d’attendre l’instant où la porte vint pour s’ouvrir de nouveau. L’humanoïde au visage carré et lumineux comme une ampoule leur apparut.

« Bonjour, travailleurs. Oh, et, rebonjour, Katalysa. »

Liant deux tentacules, elle regarda venir le conseiller sans piper mot, le suivant de l’œil plus que de la tête. La Lanterne fit promener son regard d’un air léger, mais son iris doré brillait d’une intensité qu’il ne pouvait cacher derrière aucun masque. Il venait moins en tant que Reine, rival ou poids que comme détective improvisé.

« Sur quoi porte vos recherches, en ce moment ? demanda-t-il en se tournant vers elle.

— Ohh. Ceci et cela…, répondit-elle en agitant son tentacule avec désinvolture et plissement malicieux de l’œil. Ça t’intéresse ?

— Ça concerne notre survie, il faut dire.

— Il faut dire ! Pourquoi tout ce que je fais est-il tant sujet à considérations pour toi, Shelby ?

— Car tout ce que tu fais est toujours un terrain fertile pour les considérations, Katalysa. »

Elle lui envoya un nouveau sourire de l’œil en réponse, alors Shelby se détourna d’elle, n’aimant visiblement pas l’idée de rire avec elle en public. Le petit chou était visiblement gêné d’exposer leur si belle intimité à tous ! Ils auraient pourtant pu parler expérience, quartz mangeur d’organes et complots, mais qu’y pouvait-elle, si personne n’avait la tête à sourire un peu, ces derniers temps ?

« Si la mise en garde ne suffit plus, je vais devoir te prendre en surveillance régulièrement.

— Ce serait agréable, que d’avoir de la compagnie, alors bon, pourquoi pas ? M-Mais soit ! Si tu veux le fin m-mot de l’histoire, va donc jeter un œil à cette cuve-là. » Shelby suivit la trajectoire de son tentacule pour observer la cage de verre délestée de son sujet de test. « Nettoyée et désinfectée, il n’y a plus de trace de m-maladie, et en prime, quelques réponses à ce que nous pourrions faire à l’avenir avec elle. Et, surprise ! rien de franchement horrible. Ne m-me prête une cruauté que je ne possède pas, je te prie. »

En silence, et sans détacher son regard de Katalysa, il mit un pied devant l’autre jusqu’au centre de la pièce. Tous les scientifiques demeuraient cois, stressés, chacun exsudant ou de l’eau, ou des petites vapeurs de chaleur, ou de l’odeur d’herbe coupée – en fonction de ce à quoi chacun carburait, somme toute.

Katalysa ne put retenir son ricanement en comprenant en quoi, traqueuse de son état, elle était la seule à deviner quand une âme était en proie à un sentiment. La marionnettiste absolue et sans faille. Pas une déesse, non. Juste une sans-corps qui avait su faire quelque chose de ses talents, voilà tout.

En entendant Shelby pousser un gémissement de réflexion, elle remarqua qu’il s’était détourné d’elle au cours de ses songes. Il pencha la tête dans la cuve, et finit même par y mettre un pied dedans.

Un instant, le temps sembla s’arrêter pour la traqueuse.

Est-il stupide ? s’étonna-t-elle, l’œil désabusé. Tout un tas de mécanismes prévus pour le faire tomber, le pousser, l’attirer… pour qu’il y aille de lui-même ? C’est bien un « by », celui-là. Tellement arriéré…

Elle se tourna vers l’un des scientifiques, et d’un geste, lui offrit l’occasion de sceller le destin d’un androïde qui l’éreintait depuis trop longtemps déjà. L’homme approcha sa main de sa table de travail pour abaisser un levier, quand une étincelle surgit avec le son d’une violente détonation. Le scientifique ramena sa main à lui avec horreur tout en se levant de sa chaise, le regard rivé sur la ligne de fumée qui avait filé jusqu’à sa table. Shelby poussa un petit rire pétri de morgue.

Katalysa lui découvrit un angle droit dans les mains. L’un partait vers le bas, les doigts du sans-corps enroulé autour. L’autre partait en avant, un trou pour former une espèce de canon qui vomissait en cet instant une quantité non négligeable de poudre gazeuse.

« C’est quoi ce truc ? s’inquiéta-t-elle.

— Un petit cadeau de tes amis, en échange de discussions très intéressantes. Apparemment, je serais le seul sans-corps contre la paix avec les rebelles, c’est ça ? Eh bien, je crois qu’il y a un petit problème de communications entre nous deux. »

Un souffle rauque s’extirpa des enceintes de Katalysa. Figée dans les airs, ses tentacules sclérosés, son système neuronal tournait si vite qu’il en fut vidé de toutes pensées pendant dix longues secondes.

« Piégé dans une cuve, le seigneur Shelby est à la merci des rebelles qui débarquent dans la tour pour tout y saccager. Un plan intéressant.

— Ils se sont retournés contre m-m-m-m-moi… »

Haussement d’épaules de sa part. Faisant tourner son arme entre ses doigts, il finit par prendre la direction de la sortie avec un flegme insolent. Katalysa braqua sur lui un œil vibrant. Il n’était donc venu que pour cela. La pousser à la faute devant tout un public ; de quoi leur offrir le plus divertissant spectacle !

« Bon, sur ce, je vais parler de tout ceci à nos collègues, conclut-il.

— C’est cela ! Essaie donc !

— Quoi, tu vas m’arrêter ? Comment ? Contre une arme à distance, je veux bien t’y voir. »

Katalysa bégaya quelques mots, mais aucun argument ne se fit assez convaincant pour être ressorti en guise de menace. Elle fulmina, trembla, s’agita, mais rien.

« S-Seigneur Shelby, prononça alors l’un des scientifiques. Ce que veux dire mademoiselle Katalysa, c’est que vous êtes seul contre tous…

— Hum ? »

Katalysa se tourna autant que Shelby vers l’intéressé, lequel se fit plus petit encore, le bruit des mécanismes ambiants venant parler à sa place, le temps qu’il parvînt à trouver ses mots.

« Eh bien… Nous sommes parvenus à convaincre les dirigeants que cette infection devait servir et être contrôlée. Nous ne pouvions l’utiliser, et nous n’avons aucune autorisation de nous en servir sans l’accord de trois Reines sur trois, cependant, elles veulent bel et bien s’en servir comme mesure de dissuasion, ainsi que… mademoiselle Katalysa leur en a instillé l’idée… »

Shelby eut un mouvement de recul. Il esquissa un geste sans aucun sens, portant finalement une main à sa tête.

« L’Église a grandement joué en cela, reprit le scientifique. Pas mademoiselle Katalysa, il faut l’avouer. Mais en faisant des dirigeants les maître de la maladie, ils redeviendraient dieux. »

Katalysa fixa le scientifique, immobile, l’œil plissé et oscillant de gauche à droite, comme si son écran commençait à subir l’assaut de quelques petits problèmes d’affichage. Elle n’osa rien dire. Le pilier que cet homme était en train de hisser à la seule force de sa corde, Katalysa se refusait d’y mettre un coup de coude par accident. Si la bâtisse s’effondrait, ce serait sur elle.

« C’est pas possible… L’honneur vous est tombé si bas… Pourquoi ils ne m’ont rien dit ?

— Car vous êtes compliqué à vivre, répliqua une voix familière à l’entrée. Bah… Quand on a un gamin qui court partout dans les pattes, on préfère lui mettre un livre dans les mains. Là, tout le monde souffle un coup et on peut vendre ses jouets sans qu’il pique une crise… »

Tout rutilant dans son armure bordeaux et au heaume à forme de haches, Trevor vint s’adosser contre le mur. L’un de ses bras-épée planté contre le sol, l’autre battait une fausse mesure dans l’air.

« Et puis, renchérit un scientifique, c’était sous leur demande, que l’on devait vous piéger dans cette cuve ! »

Katalysa porta une main à son visage. Ils commençaient à devenir un peu gourmands, ces acteurs. La Lanterne eut bien un clignement d’ampoule qui attestait inévitablement son hésitation, mais tout de même…

Encore que non, il faut absolument qu’il n’ait jamais l’idée de demander confirmation. Il ne doit pas douter. Il doit y croire sans autre forme de conclusion.

Katalysa prit quelques hauteurs.

« Sois sans crainte, Shelby, j’aurais adoré mettre un terme à ta bouche trop bavarde, m-mais ça m-m’aurait valu une trop grosse punition. Une quarantaine forcée, rien de plus. Voilà ce qui t’aurait attendu. Tels sont leurs ordres.

— Pourquoi d’un seul coup ? Pourquoi… Comme ça !

— Sur ce point, je ne saurais dire, fit mine de réfléchir Katalysa avec un fier sérieux. Quand ils ont su que l’on pouvait contrôler l’infection… Manon a pensé que ça pourrait lui permettre de faire des armes plus efficaces pour ses expéditions. Moroïte s’est dit qu’enfin, nous pourrions intimider sans avoir besoin de faire couler la m-moindre goutte de sang. C’est agaçant, m-mais il a trouvé séduisant l’idée d’en finir d’une bataille m-mentale, et non physique. L’Église et lui, ils voulaient abattre le point final, la paix, sans la m-moindre violence, m-mais ton orgueil aurait m-même refusé ça. Pardon ! ton héroïsme, aurais-je dû dire. »

Shelby parut réfléchir un instant, son semblant de pupille traduisant par ses vibrations un abattement risible. Terriblement drôle. Katalysa devait néanmoins se retenir de rire, au risque qu’il pût se rendre compte de quelque chose. Un regard méprisant devait assurément suffire.

« Tu as tout le peuple pour ami – enfin, ce qu’il en reste –, tu aurais pu être vraiment gênant pour notre réputation, en cas de désaccord. Ceci doit expliquer cela. »

De là, elle n’en dirait pas plus. Autrement, l’improvisation pourrait s’avérer fatale, aussi leva-t-elle simplement l’œil au ciel pour suivre les couleurs du plafond. Elle avait visiblement un problème de type obsessionnel avec ce plafond…

« Je me suis inquiété en ne voyant pas venir les rebelles, commenta Trevor qui profita du silence. Ils t’ont lâché ? Je dois t’aider en quoi que ce soit ? Même un aveugle peut suivre des directives, s’il faut, conclut-il en pointant le sans-corps au pistolet.

— Non… Trevor… Laisse-le partir…

— Vraiment ?

— Il a une arme inconnue qui tire à distance.

— Et elle perce mon armure ? »

Shelby se tourna de tout son corps vers le garde qui coinçait désormais l’entrée de sa présence. À l’instar de Katalysa, son œil clignotait, et la traqueuse ressentait bien tout ce qu’il fallait d’anxiété dans son corps.

« Si vous approchez, soldat Trevor, je tire. Peut-être que la balle qui en sortira vous percera. Peut-être que non. Moi-même à toutes les raisons de rester tranquille. Je pourrais tirer maintenant sans attendre, mais, la conclusion resterait inchangée. Avec un peu de chance je gagne. Sinon…

— Ah, j’vois le truc. On jetterait donc une balle plutôt qu’une pièce ? C’est plus original, mais risqué, je suis bien d’accord avec, seigneur Shelby. Dans les deux cas, on aura un tir. Dans les deux cas, on a un mort… Katalysa, qu’est-ce qu’on fait ? »

Elle demeura muette un certain temps. Tout un chacun lui fit au moins la grâce ne rien faire durant ce laps de temps. Trevor faisait frotter sa lame contre l’autre pour la limer, Shelby demeurait là, debout, son arme bien serrée entre les doigts. Les scientifiques admiraient le spectacle, le cœur battant si vite que la symphonie en devint agaçante aux capteurs de la Reine.

« Laisse-le partir, conclut-elle. Je ne vois pas pourquoi on devrait le retenir ? Shelby visitait les laboratoires et pris d’un geste m-maladroit avec une arme qu’il ne m-maîtrise pas encore, il a tiré, avant de partir. Je ne lui en tiens pas rigueur. Aucune raison, m-même, que j’en parle, car en circonstances atténuantes, il y aurait m-mon insolence m-mise sur le tapis, heh. »

L’intéressé lui darda un œil noir – façon de parler –, sa pupille blanche venant rétrécir tant et plus pour attester son émotion. Katalysa reçut la chose avec tranquillité d’esprit, flottant, deux tentacules liés dans le dos.

La Lanterne baissa imperceptiblement son arme, n’allant tout de même pas jusqu’à la ranger à sa ceinture. Il balaya les scientifiques du regard.

« Le dénommé Marvick est-il ici ? »

À l’appel, l’un des scientifiques se leva, non sans fixer Katalysa avec une profonde timidité. Elle vit du coin de l’œil Shelby l’inviter à suivre, et l’homme trottina jusqu’à lui avec une boîte serrée contre la poitrine.

« Heu… Vous jouez à quoi, là ? »

Shelby lui darda un regard un peu plus frais en morgue avant de se contenter d’une interjection moqueuse. Cette seule petite victoire de la journée semblait lui avoir fait pousser des ailes… Le scientifique, lui, n’émit aucun son, mais toutes les parcelles de son cœur se fit plus parlantes qu’une tirade de plusieurs vers. Même avec tout le zèle du monde, encager des gens ne résultait que de trahisons en sursis.

C’était bon à savoir. Très bon. Toute erreur servait, cela, il ne fallait pas être un androïde, pour le comprendre.

Quand elle remarqua qu’une âme braquait son attention sur elle, la traqueuse se tourna vers Trevor. Elle secoua la tête, alors il s’écarta pour lui laisser le passage et assurer qu’il ne serait jamais à distance d’épée, ainsi Shelby put-il passer de l’autre côté du battant sans un seul regard pour quiconque en ces lieux.

Le temps mit un certain moment avant de retrouver son fleuve. Tous observèrent un silence à couper au couteau, des respirations venant parfois s’élever avec inquiétude. Et puis, le doux son des mécanismes… Voilà un orchestre un peu plus agréable que celui des angoissés.

Katalysa combla cette gêne malvenue d’un soupir. « Eh bien… On s’est bien rattrapé sur cet échec. M-Maintenant, je dois juste m-me faire une petite excuse pour quand les autres voudront m-me convoquer pour parler de toute cette affaire. Et puis, il va forcément mentionner nos m-mensonges sur le contrôle de la m-maladie, et ça va forcément m-mal finir. Ahh… Quel en-fer. Il faut que je trouve une façon de tourner à notre avantage les preuves que ce traître a emportées, en plus du reste…

— Ouais… Juste ! par contre, Katalysa. Je pense pas que t’auras besoin de chercher d’excuse. À mon avis, il ne reviendra pas.

— Huh ? Plaît-il ? Ne reviendra pas ? Shelby ? Ho ? »

Trevor opina en se décollant du mur, se penchant en avant pour s’arc-bouter contre ses épées. Se sentant cible d’un regard depuis son heaume, Katalysa se vit à tendre ses tentacules en attendant son explication.

« Avec le mépris qu’il va avoir pour les Reines avec ce mensonge, il ne voudra plus avoir affaire avec vous. Enfin, disons que le parti de la raison ne sera plus le vôtre, désormais. Et, Shelby aimait plutôt bien ça, la raison.

— Je… Heum… Eh bien… Soit ! M-M-Mais, alors ? Quelle choix a-t-il, de toute façon ?

— Bah… Rejoindre les rebelles », annonça-t-il avec un mouvement de bras.

Katalysa bourra ses sorties audio d’une exclamation de profonde dérision ; exclamation qui ne sortit néanmoins jamais. Pour chaque seconde qui passa, ce fut un peu plus petit que se fit son œil à l’adresse du mur qu’elle observait sans vraiment le faire. Une main sur le visage, elle releva enfin vers le chevalier son iris numérique.

« Oh. »

Et ce fut tout.

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