Chapitre 12 -- Nuée sous cloche

Par Capella

« Franchement, on pourrait parler aux habitants du Bord noir… Et ceux de la montagne sous la glace, y a pas mal de sans-corps sauvages là-bas, en plus. Le village sous la falaise est pas mal loin, mais bon, si on a le temps, pourquoi pas faire un détour. Et donc qui dit détour, dit qu’on peut se rendre vers le nord, même si y a plus de sauvages que d’habitations. Bon, pour répondre à ta question, Mika, non, je ne sais pas encore où on va aller. »

Tout en jouant de la guitare, un pupitre déplié devant lui pour y déposer sa partition, le petit garçon opina. « Pourquoi on ne va pas voir le Tisseur ? Il est dans les jardins, et je suis sûr que c’est un sauvage super puissant. »

Fausse note de sa part. Il reprit depuis le début, à un tempo plus lent, cette fois. Coudes piqués sur ses cuisses, Ambre le considérait de côté sans piper mot. Ce fut lorsque Mika regagna la section à problème de son morceau, et qu’il la passa sans que la guitare sonnât faux, que le jeune homme se redressa pour piquer sa fourchette dans son assiette, faisant rougir ses yeux comme un brasier regorgé de feu à chaque bouché. Morceaux de charbons réduits en grain autour de bloc plus compact à découper au couteau. Un peu de sauce pour le seul plaisir du goût, et ce repas était absolument délicieux.

« Le mangeur d’araignée est bien caché et en prime, tout seul. Tout ce que j’ai listé, ce sont des groupes, tu vois Mika, et nous avons besoin de gens.

— Ooh… D’accord, oui. »

Ambre s’offrit une deuxième bouchée qu’il prit cette fois la peine de croquer patiemment. Tapant de l’assiette sur sa fourchette tout en s’assurant de pas la faire crisser, tête penchée en arrière, il laissa les secondes défiler à la faveur d’une longue réflexion circulaire. Il pensait à une chose qui en amenait une autre, laquelle en amenait une autre qui remettait la première en cause.

« Bon ! fit-il en se levant, son assiette dans la main, sa fourchette se dressant avec accusation dans l’autre. On commence ou pas ?

— Deux secondes, Ambre, j’allume la flamme !

— Ça fait trois générations que t’allumes la flamme !

— Venant de celui qui bute chaque fois qu’il faut le faire, c’est très fort de café quand même ! »

Louanne lui jeta la lanterne sur la tête, et Ambre en fut quitte pour un hurlement en tombant à la renverse, quelques grains de charbon venant tomber sur le tapis. La lanterne s’écrasa par terre en gros bruits, et les rires jaunes du reste des occupants vinrent couvrir les gémissements du garçon.

Qu’est-ce que les gens ont avec l’idée de me faire mal, depuis une semaine, là !?

Louanne récupéra la lanterne non sans un soupir et alluma au bout de quelques secondes d’effort les cornes plantées au centre de la table basse. Tout un chacun se pencha sur son siège et son ottomane, Ambre déposant ses couvertes sur la table une fois lestée des dernières miettes.

« Qui veut faire le discours ? demanda-t-elle.

— Pourquoi pas Mika, adressa le garçon, bouche à moitié pleine en pointant l’enfant du doigt – car tous les regards avaient tenté de le désigner lui. Ce sera ta première tentative, mais tu commences à avoir l’âge, maintenant. »

L’enfant rougit de gêne, mais car Ambre dressa son pouce et son index vers le bâton à branche avec un signe de V de son autre main, Mika finit par oser se lever et faire quelques pas au centre de la pièce. Plus de la moitié de l’église se tenait là, à l’exception de quelques guerriers et des plus occupés – dont le pape. C’était plus que suffisant pour avoir le trac, à n’en pas douter.

Pas pour rien qu’Ambre préférait déléguer ce qu’on essayait de lui refiler, après tout.

« Eh bien, heum… Bienvenue à cette treizième sainte fête de l’automne…, fit-il en se frottant les mains et en détournant le regard. Je n’ai pas beaucoup pensé à la fête, cette année, car il se passe beaucoup de choses partout. J’espère que notre Arbre parviendra à calmer tout le monde. Et j’espère que les soldats de l’église vont rester ici nous protéger plutôt qu’aider les autres à la capitale, parce que j’ai un peu peur de mourir. Voilà. Merci à tous. »

Mika eut l’air soufflé de ne voir personne applaudir. En lieu et place de sourire, l’on plissait les yeux en regrettant l’idée d’avoir envoyé l’enfant faire le discours. Ambre éclata de rire en se frappant la cuisse, Louanne lui adressant immédiatement un rictus torve.

« Terrible fréquentation qu’il a, ce garçon.

— Non ! Il a bien appris, l’égoïsme est une chose très importante, argua Ambre tandis que l’enfant venait se réinstaller, rouge pivoine, membres sclérosés. Suffit juste de l’orienter convenablement, rien de plus simple !

— Ah oui, “nous devons vivre pour notre sourire à nous, mais notre sourire doit venir de celui des autres”, imita-t-elle avec une moquerie ostensible. Très noble, poétique et joli, mais ça m’étonnerait que ça soit réellement ton crédo.

— Ah oui ? Il t’en faut une preuve, peut-être ? Souris ! Louanne, et tu me verras gagner le ciel de bonheur.

— Et avec un jet de lanterne, il se passera quoi ?

— Pas de sourire », prévint-il gravement, yeux fermés.

La dégringolade du discours de Mika s’oublia à la faveur de la dispute des deux membres d’Église, mais quand vint finalement le silence après les rires, Ambre comprit que ce serait à lui de relancer la machine. Il croisa les jambes sur son assise, tout ça pour se relever tout de suite après.

« Mika l’a bien dit, ce n’est pas vraiment une température à faire la fête, là, dehors, mais si on ne célèbre pas le nouveau cycle des feuilles, pas sûr que l’année se passe mieux. »

Fouillant dans les meubles de la salle, il en sortit un gramophone, et fouillant dans les disques, un « Hah ! » contenté vint accompagner le moment où il en saisit le bon.

« Pétales de camélias », inféra Mika à la simple écoute des premières notes quand le garçon eut terminé de tout installer sur la table basse au centre.

Ambre lui adressa un sourire en acquiesçant. D’accroupi pour installer la musique, il se releva d’un bond et s’approcha de Mika en l’invitant d’un geste à venir le rejoindre. Celui-ci glissa hors de son canapé et vint presque à lui en courant.

Ambre fut le premier à bouger les jambes, Mika le second à suivre. Ne sachant trop comment s’y prendre pour danser, plus versé guitare qu’il était, le jeune homme vit bien que l’enfant ne faisait que l’imiter. Ambre ne s’estimait pas spécialement bon danseur non plus, à dire vrai, il se contentait de bouger doucement ses jambes, mais tout était dans les mouvements de bras et de poignets. Et puis, il savait suivre le rythme, c’était le plus important pour éviter d’avoir l’air ridicule, se disait-il.

Au bout du compte, il oublia Mika et ses considérations quant à savoir s’il dansait bien ou non. Se laissant emporter par les notes qu’il partageait peut-être, à une région d’ici, avec Mélinoé, il se contenta de remuer sans savoir si cela avait un sens ou non, sans savoir si cela avait une beauté ou non, sans savoir s’il évitait de faire une embarrassante impression à tous.

« Quelqu’un d’autre à quelque chose à proposer ? » demanda-t-il quand il eut son content de pétales de camélia.

Quelqu’un proposa un disque, et un nouveau morceau vint remplacer le sien. Il se laissa une fois encore imprégner de la musique, mais la joie, la douceur, la tendresse d’avoir dansé l’esprit vide se mêlaient en ses poumons pour les gonfler d’audace.

Il se tourna vers la femme la plus à son goût dans la pièce et l’invita à danser, ce qu’elle accepta. Encore, il bougea en douce ondulation de cheveux bouclés de bronze, offrant des sourires à ne plus savoir qu’en faire à sa partenaire qui les lui rendit. Il dansa avec un ami, avec Louanne et son content de critique à l’égard de ses jambes gauches, avec Mika, avec une autre femme, avec la même que la première fois, avec une autre encore. Les morceaux se succédèrent, les jus de fruits divers s’empilèrent sur les tables, les épuisés s’endormirent, les plus agités continuaient d’inviter à danser. Pétales de camélia finit même par revenir, mais cette fois, Ambre l’écouta depuis un fauteuil, trop épuisé pour danser encore.

Faisant tourner le jus de charbon de son verre pour en observer le mouvement écarlate, les yeux dans le vague, il profita de sa musique qu’il ne serait pas contre laisser boucler un quart d’heures durant. Peut-être le temps de s’endormir, encore que la voix de la rockeuse n’était peut-être pas le plus indiqué à cet effet. Mika s’y était pourtant déjà laissé sombrer, dans les bras du sommeil, appuyé contre l’épaule du plus âgé. À intervalles réguliers, Ambre lui caressait les cheveux et la joue.

« Bonjour ! Peuple de l’Alvéole de fer et ses alentours ! Je crois que vous pouvez m’entendre. On confirme ? »

Durant la pause qui se marqua, tout un chacun leva des yeux ronds au ciel, trop surpris d’entendre la voix d’Anastasia Ardoisée percer l’air avec une brutalité toute inopinée. Pour certains, ce devait être le timbre d’une inconnue ou d’une femme un tant soit peu familière ; mais pas pour Ambre. Son cerveau ne lui avait laissé aucun moment d’hésitation.

Mika se redressa en se frottant les yeux, confus.

« Ici Anastasia Ardoisée qui vous parle, figure de proue des rebelles de Stèlebrune. Ce message s’adresse ni aux sans-corps dont nous sommes les ennemis, ni à mes alliés dont nous sommes les amis ; mais bien à vous, peuple innocent. Aujourd’hui sera un jour marqué par l’injustice. »

Sous les sonorités chevauchées d’une voix filaire et de son morceau de musique, Ambre se leva. Il quitta la pièce et traversa les couloirs en marchant tout en lenteur, de sorte à écouter la voix du plafond sans dégringoler par terre.

« Aujourd’hui même, nous quittons l’Alvéole ! Au grand bonheur de nos Reines, le problème se délocalise. Nous ne le ferons pas sans vous marquer une dernière fois. L’Injustice, avec un “I” majuscule, sera ainsi que nous nommerons cet après-midi. L’après-midi où je laisserai quartier libre à tous mes hommes. Qu’ils tuent leurs voisins agaçants, qu’ils pillent ceux qu’ils ont toujours jalousés, qu’ils agressent les femmes qu’ils ont toujours convoitées. À leur guise. »

Tandis qu’avaient disparu les notes du gramophone, il longea les portes en grimaçant d’horreur vers le ciel, à croire qu’il y trouverait Anastasia, tête flottante en train de l’épier avec malice.

« Pourquoi ? Pour Rose. Ma petite sœur de quatorze ans a été tué tandis que chaque jour nous n’attendions qu’une paix qui ne vient pas, une justice absente. Je vais vous faire vivre ce que nous vivons. Une horreur contre laquelle nous ne pouvons rien faire sans l’accord des bourreaux. Tout ceci, accompagné par l’immense majorité des hommes et des femmes des Terres Inespérées qui ont décidé de prendre notre parti. Personne ne pourra vous protéger contre notre nombre. »

Au loin, il vit un rassemblement dans la salle des pas perdus de l’église vers lequel il se dirigea, le cœur battant. Cela lui épargnerait du temps de recherche, car le pape se trouvait du nombre.

« Nous mettrons l’Alvéole à sac, et nous dévierons par l’église dans les jardins, qui prend parti des faux-dieux. De cette façon, ils sont aussi responsables de la mort de ma petite sœur que nos ennemis. »

Ambre accéléra la cadence vers le premier commis qui passa, tout aussi intrigué par la voix dans le ciel qui s’exprimait.

« Tous ceux qui ne peuvent pas se battre doivent rejoindre la salle commune », déclara-t-il.

Heureusement, tous devaient déjà s’y trouver, leur épargnant un vent de panique et de course à travers les couloirs de la bâtisse.

Laissant ainsi les autres se charger de mettre tout un chacun en sécurité après cette déclaration inquiétude, lui rejoint la vingtaine de combattants de l’église qui peuplaient l’entrée du bâtiment. Il fit peu de cas de leur avis pour venir se tenir auprès du pape qui le vit approcher d’une moue hésitante.

Personne ne s’exprima, ils laissèrent parler Anastasia.

« Ceci dit, être la cause d’injustice me déplaît moi-même, alors voilà ! Je vais ordonner une chose à chacun de mes hommes. Quiconque s’agenouillera et prendra le parti des rebelles sera épargné, aura le droit à une main tendue, une tape sur le dos et un sourire tendre, que vous soyez dans l’église ou dans la capitale, le traitement ne changera pas. Nos amis auront toujours une place de choix dans notre cœur. Ceux dont l’orgueil sera trop noble seront victimes des pires infamies. Pas d’injustice, finalement. Le choix est vôtre. Soyez seulement malins. Si vous décidez d’être contre nous, donnez de quoi se trancher la gorge à vos filles et à vos femmes, elles préféreront ce sort. Pensez à sauter de vos fenêtres tant que vous en avez l’occasion, car peu d’entre vous résisteront à la torture. Oh, et, par principe, je vais mettre une nouvelle condition. Une carte joker, celle qui ne fera pas de vous des alliés, mais qui anéantira entièrement cette Injustice. Voyez ceci comme une condition de victoire contre nous. Paf, vous éteignez la source d’énergie principale de nos âmes ! »

Durant la courte pause, Ambre s’approcha un peu plus du pape, lequel enroula une main autour de son épaule pour la lui caresser doucement. Amaryllis craquelait, au bout de son bâton.

« D’abord, l’Alvéole ! Si vous nous offrez les Reines restantes sur un plateau d’argent, nous partons aussitôt. Simple. L’Église, ça ne le sera pas moins. Donnez-nous le pape, et nous vous omettons dans la liste des victimes. N’oubliez pas, tous. Vos filles, vos fils, vos frères, vos sœurs, vos pères, vos mères, vos grand-mères, vos grands-pères. Tous pourraient avoir souvenance de cette histoire comme un simple coup de vent si vous veniez à nous livrer une âme en vie. Est-ce si difficile que cela ? Autrement, assumez votre choix la tête haute. »

Ambre n’osa pas regarder derrière lui. Toute l’assemblée de soldats qui tenaient épée, lances, haches, fléaux. Il demeura à fixer la porte, les yeux tremblants, les larmes coulant contre ses joues.

« Membres de l’église, vous avez plus de temps, cela est peut-être une chose que je puis considérer réellement injustice, il est vrai. Peuple de l’Alvéole. Vous avez dix secondes. »

Et plus aucune voix ne vint souiller l’air de Stèlebrune ; plus aucun son, quitte à être plus juste encore. Certaines respirations rauques et haletantes résonnèrent plus brusquement aux oreilles, mais Ambre ne les entendait plus que de façon inconstante, lorsque la réalité se rappelait à lui, pour être aussitôt brisée par un flot de pensées chaotiques qui couvrait l’air ambiant sous cloche.

Rose est morte… Ils ont tué une enfant si jeune… Mais pourquoi on doit payer pour ce qu’ils ont fait ? Pourquoi l’Église ? On ne veut que la paix, nous…

« Père, rendez-vous. »

Le pape et Ambre se tournèrent d’un seul tenant vers la masse de soldats. Et tous en considéraient un. Regard baissé vers le sol, il secoua la tête pour lui-même.

« C’est le mieux pour que tout ça se termine bien. Pensez à ceux de la grande salle qui attendent dans la peur que viennent les ennemis. Vous le savez, nous ne pouvons rien contre les rebelles s’ils ont les Terres Inespérées derrière eux. Rendez-vous. »

Il se retrouva avec une épée sous la gorge, tirant un sursaut de la part d’Ambre qui vint se cacher, du haut de ses dix-sept ans, derrière le vieil homme qui contrôlait ce petit monde. Au versant, le soldat menacé ne flancha pas.

« Ces propos suffiraient à m’autoriser de te tuer, fit celui qui le tenait en respect.

— Pourquoi pas, dans ce cas. Je n’ai pas peur de mourir, moi. Je vis pour protéger cette église. C’est ce que je cherche à faire, par ailleurs.

— Il a raison, renchérit un autre. C’est de nos familles, dont il est question.

— Vous pourrez les regarder en face, après avoir agi ainsi ! s’écria une femme.

— Avec amertume ou non, pouvoir les regarder, ce sera suffisant. »

Petit à petit, tandis que fusaient les voix de colère, vint le mouvement. Des soldats du parti de la réédition du pape approchèrent des portes pour en barrer la sortie. Leurs regards étaient pleins de peine.

« Père, il ne vous arrivera rien. C’est le mieux à faire, vous le savez. »

Il ne répondit pas, Ambre le regardant, une lueur d’appréhension brasillant dans ses prunelles brunes. Autour d’eux, les magnifiques lueurs d’émeraudes des torchères faussement végétales ; des lucioles posées sur un arbre ; des fées, peut-être même.

« L’un de vous peut-il s’assurer de protéger Ambre ? » demanda alors l’éminent de l’Église.

Ceux qui bloquaient l’entrée eurent un mouvement de stupeur, s’entreregardant les uns les autres. « Bien entendu ! fit l’un d’eux vers le garçon. S’ils ne tiennent pas promesse, et même si c’est le cas, en vérité, nous ne les laisserons pas le toucher. Les termes ne mentionnent pas de leur livrer le p’tit, alors ça n’arrivera pas.

— Bien, répondit le pape sans s’embarrasser de la moindre seconde d’hésitation supplémentaire. Cela me va, en ce cas.

— Bandes de traîtres ! »

L’un des soldats s’élança en avant, mais d’autres vinrent lui barrer la route.

« Vincent, calme-toi. C’est le mieux à faire, pour nous tous…

Il eut au moins le droit de finir sa phrase avant que l’enragé ne se jetât sur le combattant. Quelques parades et estoc vinrent à bout de ce dernier, et au nom du pape, le premier élimina le traitre en lui tranchant la tête de son épée.

Le temps s’arrêta dans la boîte crânienne d’Ambre sans que jamais il ne fut plus vif autour de lui. On se jeta sur l’assassin, mais d’autres défenseurs du pape vinrent à son secours. Les gerbes bleues vinrent se succéder ; les bras volèrent, les gorges se firent trancher, les têtes écraser.

Respirant toujours plus vite, plus fort, plus douloureusement, les larmes étaient devenues cascalette sur le visage du garçon.

« Amaryllis !! hurla-t-il soudain. Protège-moi !! »

Les visages se tournèrent d’un seul tenant en grincements de dents horrifiés. On se jeta sur le pape et son protégé, mais trop tard, les branches tourbillonnèrent, et des cris de douleur stridents vinrent percer le voile végétal qui avait recouvert les deux membres de l’église. Un mur de ronces qui s’échappait d’un bâton de cuivre.

« A-Amaryllis! Tues-les tous ! s’écria le garçon entre ses hoquets de pleurs.

— Comment reconnaître les amis des ennemis, prononça doucement le cerf.

— Je… J’sais pas ! Tues-les ! Tous !

— Ambre », s’étrangla le pape.

Mais Amaryllis n’eut rien à y redire. Ses branches s’aiguisèrent comme bras de mantes aux aspérités de ronciers, arrachant coupures et âmes tout autour d’eux. Pantelant, le garçon regarda le rideau de bois qui le protégeait de cette horreur.

C’est bien… Qu’ils tombent… Tous… La paix… On veut la paix… Et ils sortent des épées… Ils ne méritent pas cette Église…

Un visage lardé de griffues lui apparut. Son cœur manqua comme un battement. Un homme s’était engouffré dans sa barrière en dépit de ses épines effilées, épée en avant.

« Ambre ! » crièrent d’une même voix le pape et son cerf.

Le soldat esquissa un mouvement d’épée, et une griffe boisée se planta dans son dos, deux efflorescences céruléennes se succédèrent quand l’homme tomba au sol, épinglé au plancher par des griffes écarlates, et qu’Ambre tituba, une main sur l’œil.

Tombant en arrière, le garçon s’extirpa de sa protection végétale ; il n’eut que l’impression de trébucher sur une branche, au bout du compte. Il vit là la bataille, le champ de vision réduit de moitié, une douce chaleur lui traversant l’œil droit.

Il y eut des cris, dehors. Une rumeur que seul un groupe immense pouvait produire ; des chaussures qui battaient le sol en courant, des hurlements de guerre, des cliquetis de fer.

Le pape se jeta vers lui.

« Ambre, ton œil…

— Je ne suis pas fait pour protéger, ajouta Amaryllis. Je peux tuer les renforts sans trop de problème, mais quiconque veut supporter le piquant de quelques ronces plus d’un instant peut me passer au travers pour s’en prendre à vous… Que fait-on ? »

Le pape se tourna vers la scène de bataille. Il ne restait plus que quelques soldats encore en vie, lesquels s’assuraient de réduire le nombre tandis que venaient de quoi rajouter de l’huile. Les yeux du pape vibraient comme des cailloux lors d’un tremblement de terre. Une main sur la tempe, il considéra ses ramures et son protégé sans parvenir à arracher un son de sa bouche ouverte.

Il poussa Ambre à se lever alors et courut avec lui à travers la bâtisse. Les bruits de guerre diminuèrent, diminuèrent, diminuèrent… puis explosèrent à l’arrivée de la nouvelle vague de guerriers venus récupérer leur dû qui fuyait en ce moment même à travers les couloirs. Malgré son âge, la peur lui offrait un fameux coup de talon qu’Ambre fut bien en peine de suivre, trébuchant souvent, et dans une léthargie étrange depuis que le monde était invisible de l’un de ses yeux.

Le bureau du pape ? pensa-t-il deviner autour de lui.

Ce dernier tira une lampe accrochée au mur, offrant à la pièce une intense détonation de cliquetis.

« Tu as donc pris une décision ? s’enquit Amaryllis lorsque le pape le posa contre une table pour se libérer les mains.

— Protéger Ambre, au moins. »

Il tira sur la commode, révélant un passage dérobé pour y cacher le garçon. En pointant Amaryllis contre un pan du mur de la cachette, ce dernier étira une main de bois pour allumer une torche qui s’illumina non de feu, mais d’éclats émeraude enchanteurs qui caractérisaient tant ces lieux. Ambre découvrit alors que la cachette avait la place d’un placard à balais ; juste de quoi s’étendre en pliant un peu ses jambes. Pas un passage secret, seulement une cachette.

« Vous comptez vous battre ? demanda-t-il, faiblement. C’est bête…

— Non, je vais me rendre, mais j’ai peur que mes défenseurs échauffent trop les esprits. Je vais rejoindre les non-combattants pour les protéger, mais je préfère au moins te cacher toi.

— Moi…? Ah ? Ouais, moi ? Pourquoi ?

— Car tu es la deuxième personne la plus importante derrière moi aux yeux de tous. Si tu épouses Mélinoé, comme tout le monde s’y attend, tu ferais grimper l’Église d’un bond en avant, et cela, c’est autant une bonne nouvelle qu’une mauvaise en ce jour. On pourrait vouloir te protéger avec trop de zèle pour cela, tout comme on pourrait chercher à te tuer pour la même raison. » Il se retourna brusquement, poussant un soupir anxieux. « Attends quelques heures avant de rouvrir la porte. Fais passer ta main sur le côté, pour enlever le verrou depuis l’intérieur. Ici, là. Et ensuite, tu pousses. Dans le meilleur des cas, j’aurais été mené chez les rebelles et tu trouveras les autres. Dans le pire, nous aurons peut-être fui. Fais un état des lieux, vois si tu peux retourner à l’Alvéole pour te protéger avec les Reines, tu peux sinon fuir au Bord noir où chez ton amie Mélinoé… Mais si Point-du-Soir est un ennemi… Je veux au moins qu’une personne de l’Église demeure libre pour la refonder et empêcher Stèlebrune de se laisser détruire de l’intérieur. »

Le pape demeura silencieux, attendant peut-être une réponse ? Un sursaut de sa part mis court au silence. « Bon… Attends quelques heures, voici, du charbon. »

Il posa le sachet à côté d’Ambre et referma le tiroir.

Quelques heures…

Il fixa l’armoire et se laissa glisser par terre jusqu’à finir allongé, jambes pliées, admirant la torche qui scintillait juste au-dessus de son visage. Il se passa une main sur l’œil et la découvrit imbibée de sang frais. Le corps lourd, il ferma les deux.

Faut pas que je meurs, ça c’est important… Sinon, c’est bête, et en plus, on me retrouvera pas, si ? Enfin, Père reviendra dans quelques heures. Ah, sauf s’il a fui. Il a fui là ? Non, ça fait qu’une minute. Pas quelques heures, je crois. Mélinoé me manque un peu. Elle fait quoi, en ce moment ? Elle écoute de la musique, je suppose. Elle n’est pas bien en ce moment, avec tout ça, il faudrait que j’aille la voir. Eh ben… Après ça, j’irai. J’ai mal à l’œil. Je crois que je l’ai perdu. J’ai eu plus mal quand on m’a frappé que quand on m’a tranché un œil, c’est marrant. Je me suis peut-être habitué à la douleur ? Je suis devenu une machine incassable, peut-être ? Dans ce cas, je devrais sûrement aller me battre. J’aurais dû apprendre le combat. Le solfège c’était tellement chiant. Quelle perte de temps… Je joue même pas si bien que ça de l’instrument. Je suppose que je devrais reprendre… Je fais pas si mal, quand je fais des efforts, donc ce serait pas idiots de juste… Eh ben, en faire, des efforts. Avec une épée, j’aurais pas eu toutes ces théories infâmes à apprendre, ceci dit. Juste la pratique, je suppose. Encore que ça dépend les gens. C’est bien d’être intelligent, peu importe le domaine. Les plus forts sont ceux qui sont aussi les plus malins, je crois. Faut être les deux. Personne me l’a dit, c’est juste du bon sens. J’ai mal à l’œil…

De fait, il le ferma. Il essaya, comme il l’avait appris avec les premiers jours de la douleur, de respirer calmement, de penser à autre chose, de ne pas se laisser envahir par la brûlure dans son globe oculaire. Doucement, tendrement, vaillamment, ses pensées déviaient souvent, mais à mesure que la chaleur se répandait partout ailleurs, la douleur s’en faisait recouvrir.

Le sac de charbon pressé contre sa poitrine, le dos contre le sol, il rouvrit les yeux en même temps qu’une nuée d’épines se planta dans son corps. Lorsqu’il tenta de s’asseoir, sa colonne vertébrale le tirailla horriblement. Et son œil… La chaleur diffuse qui s’était faite autant douleur que sentiment lointain était désormais brûlante. Sa gorge était sèche, son ventre creusé, ses membres endoloris.

Il ouvrit le sac et engloutit trois charbons d’un coup. Les avaler fit chauffer son œil gauche, tandis que de celui de droite, la chaleur sembla comme s’échapper d’un trou béant – pas si désagréable. Il s’appuya contre le mur, poussant quelques gémissements à mesure que la souffrance lancinante venait le lancer.

Attendre quelques heures, se souvint-il. Mais cela le ramena aux sons de l’extérieur. Ceux du silence.

Il plissa l’œil, comme si s’aider à mieux voir dans le noir lui permettrait par la même occasion d’acérer son ouïe. Il y eut un hululement et le croassement de deux corbeaux distincts.

La nuit ?

Les heures étaient donc passées. Cet instant où il avait rouvert les yeux, c’était au terme d’une sieste. Si les oiseaux osaient autant approcher et qu’il était dans le lot des charognards, c’était que la bataille était terminée, et ils venaient, tant que plus âme ne vivait, se repaître des pertes qu’il y avait eues durant le combat.

Ambre poussa la porte, et au terme d’un petit cri d’effort, se souvint qu’il lui fallait d’abord abaisser un levier, et que l’armoire glisserait sur le côté.

Au derrière de celle-ci, rien, sinon la nuit visible depuis la fenêtre. Les végétaux luminescents s’étaient éteints, ne restait plus que quelques méduses mécaniques à lumières violettes pour servir de lune dans ce monde où il n’en était pas.

Il fit dépasser sa tête hors du couloir et se boucha le nez quand les effluences du sang se firent trop capiteuses. Il croisa quelques cadavres, chemin faisant, et plus il s’approcha de la salle commune, plus l’odeur du sang se fit tranchante. Un homme en robe noir était étalé par terre. Il l’enjamba. Adossée contre un mur, il vit Louanne, les yeux grands ouverts, mais il n’eut pas l’absence d’esprit d’essayer de lui parler.

Son cœur battit de plus en plus vite. Et il se rendit compte en étant le premier surpris que les rougeurs qui gagnaient ses joues lui donnaient l’envie de frapper, de tuer, d’arracher, plutôt que de pleurer et de fondre en larme comme il avait très bien su le faire jusque-là.

Il accéléra la cadence, les corps défunts se multiplièrent. Dans l’une des salles ouvertes, il vit qu’un corbeau de métal frappait du bec contre la fenêtre. Il l’ignora et poursuivit sa route. La salle commune approchait. L’odeur était insupportable. La manche de sa robe contre son nez, il ne respirait plus qu’avec sa bouche.

Pétales de camélia. Les sons du gramophone étaient reconnaissables entre mille, et savoir que durant tout ceci, la boîte à son n’avait été victime d’aucune violence, cela était cette fois suffisant pour lui donner l’envie ou de vomir, ou de pleurer, car l’ironie n’avait absolument rien d’amusant.

Près de la salle commune, il n’y entra pas, comme escompté. Un simple regard de côté lui laissa voir tout ce qu’il avait besoin d’admirer, aussi la visite fut-elle de courte durée. Les cadavres s’amassaient en nombre, par terre, en des positions terribles, couplées à quelques rebelles. À des chandeliers, quelques enfants avaient été pendus, dont Mika, qui oscillait d’avant en arrière avec d’autre.

En marchant, un gémissement se fit entendre, au loin dans l’obscurité des couloirs. Quelqu’un était encore en vie. Ambre s’y tourna aussitôt et marcha à pas rapides, le poing serré et la poitrine douloureuse de feu. La mâchoire contractée, l’œil injecté de sang, il marcha du plus vite qu’il le put, la douleur oubliée.

Un homme se tenait debout, contre un mur. Il s’approcha en le gardant prudemment à l’œil, une grimace de confusion sur le visage, pour deviner un peu en retard l’épée qui l’avait épinglé dans cette position. Comme le gémissement reprit dans la pièce au fond, il arracha la lame du défunt et la serra bien fort. Si fort. La bouche crispée à s’en éclater les dents, il entra dans la pièce. D’autres cadavres ; celui du pape, en plus du reste.

Le gémissement revint, et Ambre fit tomber son regard sur un assortiment de branche. Des branches, au bout d’un bâton de cuivre long de deux mètres. Ambre jeta son épée et tomba devant le panache pour se saisir du bâton, le cœur battant, les lèvres tremblantes.

« Tu en as mis, du temps », rit le cerf. Voir quelqu’un lui fit abandonner toutes ses plaintes, comme si la seule vue du visage halé de ce garçon lui avait redonné vie. « J’ai bien cru que j’allais mourir. Il me faut un corps. J’étais à deux doigts de sortir du sceptre pour me nourrir, mais cela aurait eu des conséquences irréversibles que je suis content d’avoir eu à éviter, Ambre.

— Que s’est-il passé ? demanda-t-il bêtement, riboulant de l’œil.

— Si tu veux tout de même une réponse à cette étrange interrogation, alors sache que l’Église Numéthienne n’est plus. »

Ambre eut un sourire contrit. Il trouvait ça plutôt drôle, d’avoir posé la question et de s’être attendu à une autre réponse que celle-ci. Glorieusement amusant.

Il se leva, mais sa tête lui tourna, l’obligeant à s’appuyer contre le bâton. Le visage de Mika lui revint. Celui de Louanne, du pape, de quelques membres de l’église. Jamais de sang, jamais d’œil morne ; simplement leurs sourires et les moments où ils étaient encore baignés de lumière, comme si la scène précédente n’avait eu le temps de se graver dans son esprit.

« Le pape n’a pas fait montre d’une idiote prudence en voulant te protéger, je constate. Nous allons pouvoir reprendre.

— Reprendre… quoi ?

— Eh bien, notre tâche », informa Amaryllis en s’étirant pour se pencher vers Ambre.

Ce dernier grimaça. « Notre tâche… L’Église n’est plus.

— Façon de parler. Une douce métaphore. Tu es encore là. Et je suis encore là. J’ai tué le plus d’âmes possible, ils se sont enfuis, les quelques survivants, non sans quelques mises en scènes macabres ici et là dans l’église. De notre côté, personne ne s’en est sorti ; raison de plus pour garder espoir. Nous ne sommes pas n’importe qui, tous les deux.

— Je ne comprends pas… Qu’est-ce que tu veux, Amaryllis… Qu’est-ce que tu veux… »

Une main de bois, douce comme du velours, revigorante comme un bain chaud, se posa sous son menton. Agréable, car de la mousse la recouvrait toute entière, chaude, car une lumière péridot s’en échappait. Doucement, cette main fit lever son visage à Ambre pour que le regard du filaire croisât celui du sans-corps.

« La paix, déclara-t-il. Tu es désormais mon nouveau vase, et tes ramures viennent de gagner des feuilles. Ce qu’il vient de se passer va attirer la foudre de l’Alvéole, si elle existe encore. Ce qu’ils feront en conséquence attirera celle des rebelles. Deux vents se rentrent dedans, font s’envoler les bâtisses alentours, font tomber le monde en une tempête éternelle. Avec un troisième… cette collision pourrait se dissiper. »

Comme il lui lâcha le menton, Ambre fit mollement retomber son visage, pantin désarticulé. Si seulement ses muscles osaient suivre le mouvement ; qu’il s’écroulât par terre pour s’endormir, tomber en perdition comme une flamme privée de son air.

Il leva inconsciemment son œil en l’air lorsqu’il vit le monde se prendre d’éclats éblouissants. Amaryllis venait d’étirer une main griffue dans les airs, cherchant à attraper le plafond pour le broyer dans son poing. Il n’eut rien d’autre que l’air putride de la pièce qu’il baignait des éclats de son membre.

« Nous pourrions fuir. Emporter la jeune Mélinoé avec nous, façonner un autre monde à l’est, à l’ouest, au sud, à la surface, peut-être même. Mais à nous seuls, que serions-nous, sinon des cadavres en sursis ? Autrement, tu peux chercher paix. Ambre, je te conseille, en ce cas, de ne choisir ni justice, ni vengeance, ni espoir, ni haine. Juste, la paix. La paix la plus neutre et ordinaire qui puisse être. Le simple besoin de faire retomber le souffle du volcan… de le rendre montagne, même si cela signifie briser des roches innocentes ou d’empêcher des feuilles de fuir. Pose simplement un couvercle sur la nuée qui tente de s’envoler, et laisse-la brûler sous cloche. »

Arc-boutée sur le bâton, Ambre avait la bouche entrouverte pour y laisser s’engouffrer l’air. Son inspiration était sifflante, son expiration était rauque. Une main sur son épaule, le corps penché en avant, Amaryllis considérait la vue depuis la fenêtre. Ambre ne suivit que de l’œil, gardant la tête résolument baissée.

« Oui. » Son œil gauche vibra contre le décor du dehors. « Tu as raison. J’en ai assez. Quoi que je puisse décider pour fuir, où on finira tôt ou tard par subir la destruction de Stèlebrune, ou je devrais composer avec leur guerre, à tous, et le résultat ne changera pas. Non, je ne prends pas parti. Je vais m’avoir la paix. Je n’ai pas envie de passer ma vie à trouver un moyen de mourir, de fuir, ou de survivre. Désormais, tout ce que je ferai n’aura que pour but de me faire sourire.

— Ambre…

— Non, Amaryllis, ne t’en fais pas. La raison et le procédé changent, mais la conclusion reste la même. Cloche sur la nuée.

— Oh ? Eh bien en ce cas… Cloche sur la nuée. »

Ambre ferma son œil valide, et lentement, se redressa, le bâton dans sa main. « Amaryllis, tu peux faire quelque chose pour ça ? » interrogea-t-il en pointant son globe vide.

« Oui. Mais ça va faire un peu mal. »

Sans chercher à savoir s’il allait revenir sur sa demande après la mise en garde, le sans-corps tourbillonna autour du garçon en étoile filante brune qui laissa sur son sillage un marquage couleur vert pomme. Il acheva sa course dans l’œil du garçon qui se mit comme à brûler pour faire cicatriser la plaie. Il serra les dents sous les coups de la douleur, mais se maintenant appuyé contre le bâton, il s’efforça de fixer le paysage luxuriant qui trônait depuis la fenêtre de la pièce sans piper mot.

La lumière émeraude d’Amaryllis s’échappa de sa bouche, de son deuxième iris ; plus encore depuis celui qui n’était plus. Le monde tourna, ses muscles oscillèrent entre lourdeurs et légèretés ; nuages et abysse.

Entouré de bois dansant, distordu, majestueux, doucement, la respiration d’Ambre se fit plus calme, et son corps, plus droit.

« Cela devrait suffire. »

Du liquide bleu sombre s’écoula depuis son œil droit, mais le sans-corps regagna le bâton sans s’en inquiéter.

« Et maintenant, qu’envisages-tu ? » demanda-t-il en se penchant de sorte à capter le regard de son nouveau propriétaire.

Ambre prit le temps de quelques respirations avant de pouvoir répondre. « Déjà, toi, tu as besoin de manger. Moi aussi, probablement… Ensuite, nous enterrons nos compagnons. Le reste… Le reste, ce sera pour quand je me serai souvenu du monde qui nous entoure. »

Alors tranquillement, il avança, laissant traîner sa robe déchirée contre le sol, s’aidant de sa canne boisée pour s’aider à faire un pas devant l’autre. Tout autour de son corps, sa deuxième peau ; un être en tout et pour tout fait de bois piqueté de lumières virides, bruissant avec la tendresse d’un vieil arbre.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez