Chapitre 2 -- Cliquetis mécaniques

Par Capella

« Deux secondes… Deux secondes… Deux secondes !

— Je ne te presse pas. La grotte ne va pas s’effondrer.

— Oui, me presser, je le fais visiblement très bien moi-même ! Et puis, si la grotte des échos devait s’effondrer, hah ! On l’entendrait. Mais non, c’est juste que… C’la honte de galérer là-dessus ! »

Il avait beau faire tourner la partie basse du bâton dans un sens tandis que la haute était fermement maintenue, l’engrenage ne s’enclenchait pas. D’un mouvement de coude, il ramena ses épaisses boucles brunes en arrière, mais là encore, ses cheveux tenaient à cœur de revenir tomber sur ses yeux pour admirer la scène ridicule qui se jouait devant eux. Personne n’avait pour projet de l’aider, de le soutenir, de le rassurer, ou tout autre mot s’approchant un tant soit peu de quelque chose de positif pour ses émotions.

« Je trouve ça étonnant, tout de même, souffla Mélinoé. Les habitants de l’est sont venus jusqu’ici pour s’occuper d’une intrusion, et voilà qu’Éris trouve un chemin dissimulé vers un sans-corps. Est-ce une coïncidence, ou ce brigand agit-il en connaissance de cause ? »

Les mots entrèrent dans une oreille pour ressortir de l’autre, car d’un cri étouffé, Ambre constata que la lumière demeura à travers les ramures qui sertissaient son bâton à la façon de cornes de cerf. Et les éclats vert clair qui suintèrent d’entre le bois brun tinrent lieu de lucioles posées sur un arbre.

Ambre se leva et posa le bâton pour le tenir à la façon d’une jolie canne. Les branches, proches de sa face, venaient l’éclairer d’une lumière bienvenue dans ce sentier qui n’était pas des plus étincelants. Il tordit brusquement ses traits avec laideur dans sa confusion.

« En fait, j’ai préféré prendre mon Sceptr’Arbre pour saupoudrer notre expédition d’un peu de légalité, mais j’ai juste la sensation d’avoir jeté l’Église sous le train, là ? » fit-il en tordant son poignet en fin de phrase.

Passant un doigt dans ses longs cheveux noirs, la fille qui lui faisait face inclina légèrement la tête de côté.

« Je ne peux répondre à cette question pour toi. A-t-on déjà vu une étoile donner son avis à la lune ?

— Quelle façon exagérée de ne pas prendre parti, renvoya-t-il avant de se reprendre en l’observation du bâton, hésitant. Hah ! Restons discrets, et ça ira bien. En conclusion : la légalité avant tout, mais… Si on ne nous pose pas de questions, c’est mieux quand même, voilà tout. »

D’un hochement de tête, elle lui exprima son accord – encore que le soupir attestait bien plus du dépit que du saut de joie contenu –, et Ambre ouvrit la marche. Le point final lui était favorable. Avec un soupir, certes, mais favorable, là était la seule chose qui serait inscrite dans ses mémoires.

Le passage souterrain était éclairé de quelques lanternes de quartz venant apporter une palette de rose au vert des lumières que tenait le garçon. De loin en loin du sentier grimpant qu’ils traversaient, les roches, les chariots mis de côté, les morceaux de rails cassés, d’autres qui s’en allaient vers l’horizon, les quartz lumineux, les sons de pioches contre le cristal, étouffé.

« On dirait une mine, commenta la fille.

— Bah parce que c’en est une ? renvoya le garçon avec un haussement de sourcil quant à l’impression que son amie venait de devenir demeurée.

— Une mine de fée, ou d’étoiles, ajouta-t-elle. Les quartz seraient des morceaux d’une lune jadis éteinte, mais qui brillerait toujours de toute la chaleur de son soleil. »

Ambre la regarda, puis se gratta la tête de sa main libre, continuant d’avancer. Mains liées sur son ventre, Mélinoé suivait à ses côtés, son regard marmoréen balayant le chemin de son intérêt constellé.

L’avoir dans l’Église nous aurait assuré de sacrés sermons. Plein de métaphores et de beautés. Ça aurait pas mal plu.

Il sursauta au bruit de craquement qui pulsa à ses pieds, découvrant un morceau de cristal sous son talon. Avec une grimace de dégoût, il en retira les bouts en frottant la semelle contre la pierre avant de reprendre sous le silence de Mélinoé. Ce fut de fait lui qui le combla :

« Éris t’a dit que c’était… où ? déjà ?

— Proche de l’entrée. Mais qu’il fallait marcher longtemps à travers le passage.

— Je vois… Dans ce cas… »

Ambre se tut brusquement, serrant la mâchoire, une main sur l’oreille ; Mélinoé s’en couvrait les deux d’une expression tout aussi intense que la sienne. D’abord le son de son pied contre le sol qui s’était réverbéré comme un coup de fusil, et sa voix, qui lui avait presque fait éclater les tympans.

Sa poitrine se souleva et s’abaissa à grande vitesse, et sa respiration était aussi audible que si quelqu’un lui chuchotait dans l’oreille. D’un simple regard, le couple s’intima au silence. D’un simple mouvement de tête inquiet, ils acceptaient la sage proposition de l’autre.

Désormais, chaque pas se faisait sur la pointe du pied, feutré comme lorsque l’on marchait sur du velours. Et pourtant, ces mêmes pas se faisaient entendre comme si un cortège de chevaliers était en marche vers sa guerre. Dans son champ de vision, Ambre découvrit qu’une stalactite se préparait à la chute. Il se boucha instinctivement les oreilles, et bien lui en prit, car l’éclatement du morceau de glace eut l’air d’une vitre brisée à la masse d’arme.

Il se tourna vers Mélinoé pour esquisser un rictus cynique en lui voyant tant de lumières dans le regard malgré les mains à ses oreilles douloureuses.

Un jour ou l’autre, je devrais quand même lui dire merci de m’accompagner partout…

S’essayant à faire le moins de bruits possible, il continua sa route jusqu’au moment où dans une détonation de tissu, Mélinoé leva le bras pour pointer une direction. De là, elle extirpa une photographie de sa robe qu’elle secoua d’un geste sec pour en effacer les pliures. Le bruit fut celui du battement d’aile d’un condor. Elle compara l’image au décor réel qui s’exposait devant eux, Ambre pouvant déjà estimer que la concordance entre les deux étroits passages était manifeste en se penchant sur son épaule pour observer avec elle.

Mélinoé entrouvrit alors la bouche, Ambre couvrant ses oreilles par réflexe. Non sans avoir tout de même hésité un instant, un murmure surgit d’entre ses lèvres, mais là encore, il fut douloureux et pas bien compréhensible par ses décibels. Elle secoua la tête, abandonnant l’idée de parler ici, et rangea la photographie en silence.

Ambre fut lui forcé au bruit en se glissant dans l’étroit passage. Plus maigre qu’il ne l’était, son compagnon de route eut moins de mal à faire glisser sa robe, mais il ne fit pas moins de sons, au demeurant.

Cette bouillie auditive commence à m’agacer, se plaignit-il d’un soupir – métaphorique, mieux valait-il.

Un long moment, il leur fallut ramper, leur chemin débouchant sur une allée au plafond haut d’un mètre quarante. À quatre pattes, ils continuèrent.

Mélinoé l’arrêta d’un signe de main pour s’asseoir une seconde et boire de l’eau. Le son du liquide qui se déversa dans la gorge de la fille résonna comme si un géant se désaltérait à deux pas de là, ce qui fut de nouveau remplacé par le son des chaussures contre le sol une fois reprise la marche.

Faute d’être autorisé à mettre sa stupéfaction en mots, Ambre écarquilla les yeux en entendant la musique qui s’éleva depuis la grotte.

Eh…? fut tout ce qu’il trouva d’intelligent à penser.

Semblable à une harmonique de guitare, à tout le moins, du toucher délicat du verre pour le faire résonner en un sol, suivit d’un mi, d’un fa dièse, et ainsi de suite. Accélérant la cadence pour découvrir les musiciens de ce concert inopiné, il s’immobilisa une fois dans cet immense hall naturel que leur offrait la grotte. Le plafond se levait sur cent mètres, les murs permettaient à une rangée de trente soldats de se tenir en ligne, et l’horizon était invisible dans l’obscurité ; mais dans ce qu’éclairait la lumière, il y eut des gouttes d’eau.

Tombant contre la roche, la grotte faisait résonner le son tant et si bien qu’elle en devint une musique. Chaque goutte était sa propre tonalité, sa propre note, tandis que certaines ne tombaient pas simplement, mais glissaient le long des murs pour faire un accompagnement continu au sein de la mélodie naturelle qui se faisait plus saccadée.

Il se tourna vers Mélinoé. Sa merveille à elle était aussi grande que sa circonspection à lui.

J’espère que les gouttes vont rester de taille acceptable, car un peu plus, et cette mélodie devient un tambour dans notre boîte crânienne.

Mais pour le moment, ce n’était que… joli. Avançant, les notes s’enchaînèrent à un rythme constant. Fa, si, mi, fa ; si, mi, fa, fa, si, mi, fa… Et toujours la petite mélodie constante des gouttes qui glissaient plus doucement contre les parois.

Et puis le son d’une guitare. Ambre se brusqua vers son origine, découvrant que celle-ci ne prenait rien de moins que la forme de Mélinoé. Concentrée à la tâche, elle fit frotter sa main contre le mur pour y amasser de l’eau. Elle laissa tomber les gouttes sur une toile d’araignée constellée de bulles. Chaque goutte faisait vibrer la toile et c’étaient tout bonnement les cordes d’une guitare qui venaient accompagner la chanson.

Se retenant de soupirer entre des murs qui en feraient un ouragan, Ambre se détourna du spectacle. En dépit de son désintérêt, il se prit contre son gré à marcher en rythme avec la mélodie. Derrière lui, Mélinoé continuait de chercher les toiles d’araignées pour saupoudrer à la musique caverneuse quelques basses.

Son pied qui s’écrasait contre le sol pour tambour de rythme. La guitare de toiles nivéennes pour basse grave, l’humidité qui glissait le long de la paroi rocheuse pour en mimer le son d’un doigt mouillé sur du verre, et les gouttes qui tombaient, où vivement en suite de notes accompagnatrices, ou plus lentement en mélodie dominatrice.

Et l’obscurité, le crépitement d’une lumière au bout d’un bâton en corne de cerf. Les ombres sur les murs, les silhouettes projetées par l’émeraude de langues lumineuse, le tissu qui battait aux mouvements de jambes. La forme vive d’une adolescente qui parcourait la caverne à la recherche de toiles à faire vibrer de larmes saphir. L’obscurité, les lumières, la guitare, le verre, le cristal, les gouttes d’eau. Les reflets chatoyants des lumières contre le quartz, révélant des yeux de lumière là où se tenaient des observateurs invisibles ; silencieux.

Noir. Vert. Chevelures dansantes. Rose quartz. Bleu aqueux.

Et puis une lumière qui avala celle du sceptre d’Ambre. Au centre du terrain immense vers lequel cet orchestre caverneux les avait conduits, c’était une nouvelle salle naturelle longeant une pente longue. Et en contrebas, une fontaine contre laquelle reposait une forme immense.

C’est bien un sans-corps…, devina-t-il sans mal. C’est… bizarre à regarder… Malaise, le mot aurait été mieux choisi.

D’un regard pour Mélinoé, il s’assura qu’elle était prête, ce dont elle répondit par un signe de tête. S’efforçant de ne pas mettre pied dans le vide et dégringoler la paroi, il descendit prudemment, quitte à y utiliser son content de minutes. Pied à terre, la première chose qu’il ne put s’empêcher de fixer, ce fut la forme assoupie contre sa fontaine.

En second lieu, il baissa le regard vers l’eau qui l’entourait, pas assez épaisse pour enfoncer jusqu’à la semelle de sa chaussure. Si peu d’eau pour se noyer ; bien assez pour avoir l’impression de marcher sur un miroir constellé des reflets de la grotte qui brillait de lueurs roses. Car refusant d’être sale ou pleine de calcaire, cette surface était aussi lisse que le ciel.

Car le son de sa chaussure contre l’eau explosait bien plus que celui de son talon sur la roche, il s’efforça de marcher le plus lentement possible, en conséquence de quoi il ne fut pas mécontent d’enfin pouvoir s’arrêter pour observer la machine au bout de sa traversée en terrain miné d’explosifs sonores.

Un sans-corps. Un frisson lui remonta le long de l’échine. Un sans-corps était mort, comme cela pouvait bien sûr arriver lorsqu’ils atteignaient un âge trop avancé. Or celui-ci était seul, abandonné, caché. Un dieu avait échoué quelque part dans l’indifférence, et cela lui donna soudain froid un peu partout dans le corps.

Avec un cri étouffé, Mélinoé attira son attention vers une lance plantée dans la roche. À son extrémité, un fin tissu rougeoyant pendait jusqu’à toucher la surface aqueuse dont le terme s’imbibait goulument.

Quand il vit Mélinoé lui tendre un cahier de géographie ouvert sur une page, il en offrit un regard en coin en découvrant des notes qui juraient avec les informations du précis.

« Je viens de penser qu’on pouvait toujours parler comme ça, était-il écrit. Quelqu’un est bien passé par ici, non ? Où cette lance est-elle ancienne ?

— Pas ancienne, écrivit-il en réponse. Et ce tissu vient du bord noir. Notre intrus est un habitant de l’ouest, et ça m’inquiète un peu… »

Il toucha le tissu pour en être certain, mais au demeurant, étudier avec les yeux des livres ne lui avaient pas permis d’instiller dans sa mémoire le sens du toucher des choses qu’il apprenait… Le symbole serpentin était néanmoins sans équivoque.

Mais en gros, Méli à raison. Cet intrus et ce sans-corps sont liés… Et les habitants du Bord noir sont au fait d’une chose qui se terre dans nos propres mines…

Il eut une grimace mêlant cynisme et nervosité, quand un cahier lui revint au-devant du visage.

« Et donc, c’est un sans-corps ? Est-il mort ? »

Ambre se tourna vers la chose, engoncée. Une grosse bedaine, des bras aussi épais que des troncs d’arbres sertis de pinces, des dents de scie pour tout broyer en guise de mâchoire, et une paupière unique abaissée dans un sommeil qui devait durer depuis longtemps.

Il contourna le corps pour l’observer, curieux d’essayer d’en estimer l’ancienneté. Pas de mousse, pas de rouille, de fissure, de brisure, de cassure. Il emprunta le cahier et la roche que lui donnait Mélinoé en guise de craie pour pouvoir lui répondre. Il prit cette fois la peine de l’essuyer un peu sur sa robe pour ne pas faire baver le texte comme ce fut le cas jusque-là.

« S’il n’était pas mort, je ne serais pas venu seul, de toute façon. Si Éris l’a passé à tabac avant de lui trifouiller les organes sans qu’il se réveille, on a plus grand-chose à tirer de sa conscience. Mais au moins, la trouvaille est assez importante pour justifier que je sois parti explorer les lieux au nom de l’Église.

— On s’en fiche de l’Église, maintenant ! répartit-elle en écrivant à toute allure. C’est quand même un cadavre sans-corps ! Que fait-il ici ? Que fait une planète, là, à dériver dans l’espace sans personne pour la voir ?

— Bah… Tout ça… L’Église s’en chargera. »

La réponse, qui devait s’apparenter en un « Sérieusement ? » accusateur, Mélinoé l’afficha par poings sur hanches et froncement de sourcils. Ambre haussa les épaules avec désintérêt, mais écrire lui demanda un certain temps de réflexion, hésitant avec sa craie dans les mains.

« Je suis pas là pour le plaisir de l’aventure, écrivit-il avec précipitation. Me détruire les tympans vaut pas autant. J’ai fait une belle découverte, j’aurais droit à une récompense, et elle ne m’oblige pas à en faire plus, désormais. »

Mélinoé pencha la tête sur le côté pour émettre un soupir silencieux, faute d’avoir le choix.

« Tu comptes la revendre ? L’information de son existence, je veux dire. Elle viendra de là, ta récompense ? »

Tandis qu’il se fit un plaisir de répondre, Mélinoé palpa doucement la cascade de roche perméable qui s’étirait devant elle. Elle y risqua un pied, et devant juger le terrain assez peu glissant, entreprit une petite escalade de la fontaine. Ambre dut lever la main pour lui rendre le livre.

« Non, rien d’aussi vénal. Une découverte comme ça, ça m’assure une haute place dans l’Église, pour quand je serai adulte. Une place derrière un bureau, de préférence, à étudier ce genre de machines, sans avoir besoin d’être le commis qui devra la soulever de terre pour la ramener jusqu’au bâtiment. Plus je serai utile, plus j’aurai le droit de moins l’être, en sommes. »

Ce fut avec un sourire rien de moins que blasé que Mélinoé lui renvoya sa réponse.

« Le pape te veut déjà à ses côtés, tu n’avais clairement pas besoin d’aller jusque-là. Je présume que plus l’on s’approche du sommet, plus l’on veut vanter son ascension ? »

Elle continua de grimper à celui de la fontaine. Pas très haute, ce n’était plus que l’affaire de deux ou trois prises, mais elle s’arrêta avant, se tournant brusquement vers Ambre en réclamant son précis qu’elle lui renvoya avec beaucoup de curiosité dans le regard.

« Ce n’est pas pour le pape, que tu fais ça. Ce n’est pas pour lui que tu as fait le chemin, n’est-ce pas ? Voir un sans-corps dans un endroit pareil te ferait peur ? Pour quelqu’un de l’église, ça doit être terrifiant… Non, pour quelqu’un comme toi, surtout… »

Il mit un certain temps à comprendre le sous-entendu, rougissant alors en rendant le manuel à Mélinoé, cette fois-ci vierge de toute réponse. Avec un hochement de tête entendu qui fut d’autant plus embarrassant, la jeune fille le laissa tranquille et se reprit dans son ascension, poussant alors un cri étouffé une fois au sommet.

La question de savoir ce qu’elle avait trouvé, Ambre la posa en croisant les bras. Mélinoé parut tirer sur quelque chose et en extirpa un morceau de cuivre brun. Un petit jaillissement d’eau virevolta de l’embouchure, mais se calma rapidement pour redevenir calme fontaine abandonnée. Ambre leva la main pour réclamer le cahier, mais il dut se boucher les oreilles en se retenant de crier de douleur quand un son aigu vint les lui agresser.

Mélinoé eut moins de chance, dégringolant la fontaine pour s’étaler par terre avec un gémissement plaintif qui sonna trois fois trop fort. Il ressentait l’envie impérieuse de foncer voir son amie, mais celui, aussi, de considérer le mouvement qui s’était infiltré dans sa vision périphérique. Il opta pour cette deuxième option, découvrant la forme qui, un instant plus tôt, s’était trouvée assise contre la fontaine. Cette fois, debout était-elle, la paupière levée pour révéler un œil de cyclope. Ses pinces claquaient, poussant Ambre, toujours, à presser les mains sur ses tempes en serrant la mâchoire. Le visage mécanique se brusqua en sa direction.

Un son perçant vint leur arracher les oreilles, mais rapidement, Ambre eut du mal à croire que cette voix étouffée qui ne lui ravageait pas les tympans n’était que les conséquences de ses paumes contre ses tempes. À moins que soudain, elles se furent montrées plus efficaces que des murs encore, si tant est qu’il n’eût tout simplement pas perdu des points d’auditions.

« Grotte aux échos… La grotte aux échos… Je dois stabiliser le son… Et la résonance. C’est déjà mieux, mais ça manque encore d’un petit quelque chose… »

Ambre retira la main de ses oreilles et en fut quitte pour garder la bouche entrouverte. Devant la machine qui s’était dressée, une immense ceinture aussi épaisse qu’un obi couleur turquoise flottait dans les airs, tout autour du sans-corps, tournant lentement. Transparent, Ambre y voyait des calculs, des carrés, des diagrammes, des curseurs à faire monter ou descendre, et des écrits illisibles, vu de l’envers.

« Voilà, ça devrait être bon, prononça la machine d’une voix tout à fait acceptable après avoir bidouillé son écran flottant. Vous ! déclinez votre identité ! » s’écria-t-elle alors tandis que sa ceinture volante regagna l’intérieur de son œil.

Comment répondre après avoir observé un spectacle aussi… Aussi… Autant… Indescriptible !

« Qui ne dit mot… est un ennemi ! Vous êtes ici pour souiller la mémoire de Chant-du… Heh !? Amaryllis !?

« Ah !? réagit Ambre en considérant son bâton avec stupéfaction. Vous l’connaissez ?! Z’êtes un gardien !?

— C’est quoi un gardien !? T’es un homme de main du Chasseur ! Je voulais pas manquer de respect ! Pardon !!

— Quoi !? Non, il n’est plus un chasseur depuis plusieurs centaines d’années déjà !

— Ah !?

— Heh !? »

Ils s’entreregardèrent, Mélinoé venant s’ajouter à leur jeu de stupéfaction. Il aurait dû faire preuve d’un peu de sérieux eu égard à la situation, mais ce que hurler lui faisait du bien, après avoir dû garder un si consciencieux silence jusque-là.

« Mais heum…, se rasséréna-t-il. Ce n’est pas Amaryllis, de toute façon. C’est un morceau de son corps. Son véritable est… Bon, ce serait trop compliqué de vous donner le contexte, visiblement, donc il est simplement ailleurs.

— Ah… Je vois… Et donc, vous faites quoi, ici ?

— On venait pour… vous ? On s’inquiétait, en voyant un sans-corps isolé, là.

— Ohh… » La machine porta une main à son imposante face. « Moi ça va. Je surveille. Si vous n’étiez là qu’pour ça, tout roule, vous faites pas de bile…

— Eh ben… »

Il imita la machine pour venir se gratter la tête à son tour, tous deux se fixant sans trop savoir quoi dire. Leurs gestes furent reproduits par leur reflet au sol miroitant, entre autres morceaux de quartz imprégnés en murs et plafonds.

« Et donc… Cette fontaine a un rapport avec quelque chose de particulier, si j’ai bien compris ? Bah, si vous la protégez, après réflexion, plutôt logique…

— Ouaiiiis… C’est le courant de pensée de Chant-du-Quartz. Y a sa mémoire, là-dedans. » La machine tourna sa tête un peu partout en poussant un petit gloussement. « Bon, elle a l’air d’avoir débordé un peu, mais le gros est toujours bien protégé dans la fontaine, c’est ce qui compte.

— Mais alors c’est… De la… De la technologie de l’ancienne terre !

— Classe », commenta la machine, comme si elle l’apprenait avec lui.

Ambre inclina la tête de cynisme, avant de se tourner vers la fontaine contre laquelle Mélinoé s’appuya, le corps visiblement douloureux d’être tombée à la renverse.

« C’est absolument sensationnel, commenta-t-il, l’œil rivé sur son amie. On pourrait faire des avancées incroyables, avec ça.

— Ambre, non, se plaignit Mélinoé. Cette technologie doit rester enterrée.

— Oh, la fille a raison, renchérit la machine. J’ai pas le droit de vous laisser y toucher.

— Ah, le danger est tant prégnant, se moqua Ambre.

— Ha ha ! Je… Heum… Eh bien… Heu… Je crois ? Non, attendez… » La machine baissa le regard, gémissant dans une intense réflexion qui semblait mettre ses circuits au plus mal. « Je ne sais pas pourquoi je dois protéger cet endroit, en fait… Mais… je dois le faire. »

Ambre fronça les sourcils, et la machine releva son visage, la pupille de son œil venant alors vibrer pour attester de tout ce qui se passait dans sa boîte crânienne métallique.

« Attendez une seconde… J’étais caché. J’étais caché, depuis longtemps. Personne ne m’a jamais trouvé. Si vous parlez de ma cachette, alors cette fontaine ne sera plus protégée… Je crois qu’il faut… Je crois qu’il faut que je vous tue, alors.

— Plaît-il ? » ricana-t-il nerveusement en réponse.

Il sentit son pied se faire tirer, et tombant à la renverse, le bruit de la chute se fit remplacer par une nouvelle détonation, suivit par la violence d’un éboulement quand un pan du mur s’effondra. Les sons étaient redevenus ceux de la grotte aux échos.

À ses pieds, il trouva Mélinoé qui avait rampé pour le faire basculer, et au-dessus de sa tête, un bras extensible qui avait rencontré la roche en lieu et place d’une tête à fracasser.

Ambre leva Mélinoé en même temps qu’il se hissa sur ses jambes et courut autour de la fontaine pour s’y cacher. La pince fila alors par-dessus la structure en pierre, et d’un saut de côté, les adolescents l’évitèrent, haletants. Quand le bras revint à son propriétaire, ils découvrirent par la même occasion que ledit propriétaire venait de contourner la roche pour pointer sa deuxième main. D’un nouveau saut de côté, ils l’esquivèrent sous les tremblements des murs et du plafond.

Entre les pas lourds du géant, ses attaques tonitruantes et ses bruits mécaniques par centaine, Ambre en avait oublié d’avoir mal aux oreilles tant il était surchargé. De fait, à la place, c’était une violente fièvre qui se faisait sentir dans sa boîte crânienne.

Mélinoé doit être en train de subir deux fois pire après sa chute…

Elle fut pourtant la plus valeureuse, déjà debout, se tenant à l’aide du bâton qu’Ambre avait fait tomber, pour pointer quelque part du doigt quelque part. Ambre découvrit une sortie en suivant son index. Un autre chemin, crée par la violente attaque du sans-corps… Du moins, les prémices. Un trou, mais rien qui pourrait laisser passer deux corps adolescents, ni même enfant, à dire vrai.

Alors Mélinoé invita Ambre à s’approcher, et le jetant par terre au bon moment, le bras vint élargir leur porte de sortie ; un bout de plafond tomba avec. Au loin, certes, mais l’événement tint lieu de message sans équivoque quant à la conclusion possible de cette pièce naturelle.

Se tenant chacun par l’épaule pour s’aider à tenir debout, ils filèrent le long de ce grand espace au sol miroitant, l’un autant que l’autre déjà à bout de souffle. Les bip assourdissants du sans-corps continuaient de résonner à leur arrière, et à intervalles réguliers, un bras venait filer pour creuser un peu plus la grotte ; pour venir la délester un peu plus de sa chair.

Ils se baissèrent quand une étoile filante de fer claqua non loin. Trébuchèrent quand elle les manqua de peu en s’écrasant sur le sol en un bruit de bourrasque.

Ils se glissèrent à travers le passage de la grotte, et les tremblements de la caverne attestèrent que la chose était à leur trousse. Le bruit aussi, au demeurant, mais Ambre n’avait plus tellement la tête à les écouter, ces bruits.

« Si tu vois… »

Il avait cru bon de pouvoir parler, à ce stade, mais cela ne servait à rien. C’était plus douloureux que le reste, et en prime, sa voix n’était réduite qu’à une bouillie sonore à travers l’air.

Qu’à cela ne tienne, il suivrait sa propre sommation sans en informer Mélinoé.

Oui, là, j’aurais vraiment aimé qu’Amaryllis soit présent… Oh… Amaryllis… Ce sans-corps avait l’air de le connaître… De le respecter même. Et pourtant, il perd son sang-froid ? Comme ça ?

Avec quelques regards en arrières, ils découvrirent que le robot tentait de se frayer un chemin jusqu’à eux, mais l’ouverture n’était pas encore assez grande pour son corps dément. Saisissant sa chance, le garçon puisa dans ses dernières ressources pour accélérer sa course folle, jusqu’à voir des torches couleurs rubis à travers les couloirs étriqués de la grotte. Soulagé, il ne décéléra pas pour autant, car derrière, le sans-corps laissait traduire par ses grondements qu’il avait trouvé un moyen de les garder en traque.

Ambre et Mélinoé virent alors les premiers filaires de la grotte. Tenant des torches en lieu et place d’outils de travail – preuve s’il en était que les secousses passaient avant la tâche –, leurs homologues humanoïdes inclinèrent la tête de côté pour les interroger du regard.

Ambre ouvrit la bouche, mais plus d’une chose lui rappela que leur parler serait inutile. Il fit simplement glisser un pouce sur sa gorge pour mimer la menace de mort et poursuivit en courant. Sage décision, ils décidèrent de l’imiter. Un peu moins pressé de prime abord, mais à mesure que les détonations gagnèrent en violence, les tremblements suivirent, et cela, même les travailleurs de la grotte pouvaient le sentir.

Il y eut alors le bruit de quelque chose que l’on brisait ; d’une nature complètement différente à la roche. Ambre n’en prit pleinement conscience qu’à la deuxième itération, quand un râle se mêla au craquement.

Le garçon ferma les yeux à s’en faire mal aux paupières. Bah non, c’est la grotte aux échos, pas aux horizons !

Car cela ne changea rien à la scène qu’il n’entendit que bien trop, à défaut de ne pouvoir la voir. Alors, il les nia. Il refusa d’admettre ce qui se déroulait dans son dos, et progressivement, son désir de vivre l’accepta. Les quartz succédèrent aux torches, les anfractuosités du sol de pierre succédèrent aux anfractuosités du sol de pierre, et les muscles de ses cuisses pulsaient comme si un cœur s’y était trouvé niché.

Il ne remarqua qu’il était sorti de la mine que lorsqu’il manqua de s’évanouir dans le silence. S’arrêtant avec brusquerie, il découvrit sans trop y croire vraiment que son esprit était devenu calme ; que la tempête de sons n’était plus.

« On court depuis combien de temps ? » Sa voix n’était plus qu’un filet, mais un filet bas que des murs ne cherchaient pas à faire exploser.

Tombant à genoux, les poumons aussi chauds que de la braise, il eut un début de réponse : longtemps.

Mélinoé était plus pâle que jamais, pour autant que ce fut possible. Plus incapable de parler, elle ne faisait que haleter d’une voix si sèche qu’il eut un instant peur que sa gorge ne se désagrégeât comme un morceau de sucre. Il soutint l’épaule de son amie pour l’empêcher de tomber plus bas encore, mais l’occasion de la rassurer ne lui fut pas donnée.

Avec un vacarme moins agressif, non moins intimidant ceci étant, le sans-corps de cuivre leur apparut, claquant des pinces. Les formes filaires qui se glissèrent discrètement autour de lui, il les vit, mais l’alerte lui fit oublier de penser à s’y intéresser.

Il fit à la place un pas en avant, Ambre ayant décidé de se lever comme un ressort, Mélinoé forcée de suivre, une main sur le cœur pour s’aider à respirer. Toujours, la force de la terreur lui donnait de quoi bouger ses muscles, mais pour seulement combien de temps ?

« Qu’est-ce qu’on… fait ? s’inquiéta-t-il. Maintenant qu’on peut parler, le raisonner est peut-être une option envisageable… »

Il n’eut le droit qu’à un regard terrifié en réponse. Rien qui pourrait franchement les aider, quitte à devoir faire preuve d’un peu d’honnêteté.

« Bougez pas les mômes, j’attends juste qu’il attaque », leur annonça une voix.

Surpris, Ambre se tourna en tous sens, mais rien, sinon un cristal qui saillait du sol pour cacher l’origine de la voix. Il devait s’agir des ombres qu’il avait vus, mais il ne pouvait en mettre une forme dessus.

« Il tire à distance, nan ? prononça le cristal. Ça pointe la main vers vous, donc j’suppose que oui. »

En le découvrant, Ambre se crispa, se demandant si sauter pour esquiver, il saurait le faire, à présent.

« Bougez pas, j’ai dit. »

Et le bras partit, Ambre s’apprêtant à se jeter de côté malgré la sommation, mais la forme s’échappa du cristal et d’un coup de sa large épée, fit dévier la trajectoire du bras. Tel un signal au timbre de fer, une myriade d’armures s’éclipsèrent de leurs cachettes, et en quelques coups de lames précis, la machine perdit bras, jambes, et vie.

Celui qui venait de les protéger porta l’une de ses mains effilées comme une lame à son heaume cornu – de fait, c’en était une, de lame.

« Bon bah, c’est fait. Nan parce que parfois on veut aider et on se retrouve à savonner la planche. Si je m’étais révélé un peu trop tôt et qu’il s’était adapté, on aurait été marron, nan ? Hé mais, c’est Ambre ! Qu’est-ce que tu fais dans un bourbier pareil, p’tit gars ? »

Il était impossible de déceler la moindre expression derrière le heaume sinistre de cet homme. À l’instar de son armure bordeaux, ce qui se trouvait sur sa tête n’était pas moins couleur sang, serti de cornes là où aurait pu se trouver des oreilles. Ses compères en arrière-plan n’avaient pas la tête aussi extravagante que lui, mais le feu qui teintait leur armure fit tomber les épaules d’Ambre.

« Des chevaliers framboise… Ahh… Dieu merci…

— Ah ça oui. Remercie la grotte pour ça. Le grabuge a raisonné jusqu’à la ville. On a été appelé pour tapage nocturne. Bon, il est à peu près seize heures, mais la blague marchait pas autrement, alors… »

À défaut de son visage, Ambre interpréta le bras de fer qui se posa sur sa tête pour lui ébouriffer doucement la chevelure comme de l’affection. En sentant le plat d’une lame lui caresser le cuir chevelu, il se recula d’un cri tétanisé.

« Tu vas me couper les cheveux, si c’est pas le crâne, Trevor ! Arrête de faire ça !

— Tiens, y a Mélinoé…, reprit-il en ignorant l’explosion du garçon. Bah, où tu es, elle n’est jamais loin non plus. Un oiseau sans ses ailes, ça fout moins le bordel, hein. C’était quoi, ce spectacle ? »

Ambre claqua la langue en continuant de se frotter le crâne pour s’assurer qu’aucune mèche ne lui avait été arrachée dans le processus. « C’était un… » Et puis sa voix tomba dans les graves, et ses cheveux perdirent tout intérêt. « Un sans-corps…

— On dirait pas, comme ça, mais y a des yeux de l’autre côté de ce casque, p’tit gars, argua-t-il en insérant la première phalange de son index dans la fente. Qu’est-ce qu’il fait ici ? Je m’attendais à devoir sauver des mineurs d’un éboulement, pas à trouver… Ça. Un sans-corps est devenu fou, donc ?

— A-Allons, non ! s’exclama Ambre dans un malaise. Il semblait être là depuis des années… C’est… Enfin… Des enfants l’ont trouvé, mais on eut la présence d’esprit de me prévenir. Ils assuraient qu’il était mort, mais quand on a pris un morceau de la fontaine qu’il… protégeait… il s’est mis en éveil.

— Aah. »

Une main sur le heaume, il se retourna vers le sans-corps que le reste de ses soldats examinaient du bout de leurs bras-épées qu’ils partageaient avec celui au heaume cornu – à ceci près que certains avaient plutôt haches, lances ou fléau d’arme au bout des membres.

« Rentrez à l’église, vous deux. Et à Point-du-Soir, en ce qui te concerne, fit-il à l’adresse de la jeune fille. On s’occupe de ça. »

Très peu d’humeur à négocier quoi que ce fût, Ambre opina et tourna les talons. Refourgué d’un soldat qu’on leur offrit en escorte, ils traversèrent le chemin de la grotte en sens inverse jusqu’à ce que les sièges d’un train à vapeur pussent accueillir leur derrière sclérosé.

Mélinoé n’attendit pas une seule seconde pour s’affaler sur la table en fermant les paupières.

Elle n’eut aucun commentaire, alors Ambre décida qu’il n’en aurait pas non plus. Du moins, ce fut sa conclusion lorsqu’après avoir ouvert la bouche, aucune parole de réconfort ne lui eût traversé l’esprit. La lippe chagrine, il se colla à la vitre et observa le paysage caverneux qui défila avec l’avancée du train. Disparuts, les quartz, les torches, les lueurs cristallines. Juste un bleu rocheux qui défila comme une bobine déréglée.

J’aurais dû lui parler de la technologie que possédait cette machine… Mais si Trevor en avait parlé aux dirigeants… Et cette fontaine… C’est vraiment si dangereux que ça, de nous la laisser entre les mains ? Ça peut pas être si terrible que ça… une fontaine…

À la vue des premières fenêtres hexagonales aux couleurs du miel, il se tourna pour exprimer quelques mots, de peur qu’ils se quittassent dans cette ambiance un rien sinistre. Il attira son attention d’un signe de main, et elle retira une oreille du casque qu’elle avait mis au cours du trajet d’un regard en coin à son égard.

« Je t’ai attiré dans les problèmes deux fois en deux jours, ironisa-t-il. Désolé.

— La mer doit-elle s’excuser si le poisson a nagé là où il n’aurait pas dû de son gré ? Il faut croire que j’aime suivre les embruns, peu importe leur malice.

— Et… je suis heureux d’avoir un poisson à mes côtés, alors…, renvoya-t-il avec un sourire fragile. Je peux écouter avec toi ? »

Après une interjection mâchée, elle se redressa et débrancha son casque de son gramophone portable, et avec quelques manipulations, le son s’échappa de l’appareil.

« Tu as mis Pétales de camélias, commenta-t-il.

— Tu ne connais pas mes musiques, alors autant en mettre une qu’on aime tous les deux. »

Mais Ambre regretta d’abord l’idée qui l’avait poussé à écouter avec elle, car ce qui s’ensuivit, ce fut le silence ; deux bouches fermées qui écoutaient de leurs oreilles les instruments. Lorsque vint néanmoins le refrain, les basses entraînantes, la mélodie captivante de la voix et la guitare à enceinte dansante, il se prit à bouger la tête. Au bout du compte, Mélinoé alla jusqu’à se déhancher sur son siège tout en fredonnant avec la mélodie. Faute de savoir ce qu’il pouvait faire de son côté pour alimenter la chorégraphie, il se contenta de bouger en même temps qu’elle.

Quand leurs regards se croisèrent, Mélioné envoya son bras vers lui en chantant, alors Ambre porta une main à son cœur pour faire mine que c’était son tour de prendre la voix. Il mima une guitare, Mélinoé la basse, puis Ambre la batterie, puis Mélinoé la guitare.

Quand le train se figea, ils marchèrent en bougeant les hanches, jusqu’à ce que la gêne de voir les premiers habitants de la cité leur obligea à se redresser, non sans rire, un doigt couvrant leurs lèvres.

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